8.
Mais revenons à nous, à nous, dis-je, Romanien, et philosophons ensemble. Je te rendrai grâce. Ton fils commence déjà à philosopher :
je modère son zèle afin qu'après avoir d'abord cultivé les sciences nécessaires, il se lève plus vigoureux et plus assuré; et, pour n'avoir pas à craindre de les ignorer toi-même, je n'ai qu'à te souhaiter, si je te connais bien, des vents qui soufflent à ton gré. Car, que dirai-je de ton naturel ? Ah ! si tous les hommes étaient ainsi doués ! Il n'y a que deux obstacles, deux défauts qui empêchent d'arriver à la connaissance de la vérité : je ne les crains pas beaucoup pour toi; je crains cependant que tu ne te méprises, que tu ne désespères de trouver ou que tu ne croies avoir trouvé. Or, si tu as le premier défaut, cette discussion te l'enlèvera peut-être. Car tu as souvent accusé les académiciens, et avec d'autant plus d'autorité que tu étais moins instruit; mais aussi d'autant plus volontiers que tu étais séduit par l'amour de la vérité. Je vais donc disputer avec Alype, qui te soutiendra, et je te persuaderai aisément ce que je veux, toutefois dans l'ordre des choses probables, car tu ne verras point la vérité elle-même, si tu n'entres pas entier dans la philosophie. Quant à l'autre obstacle, qui consisterait à croire que tu as peut-être trouvé quelque chose, quoique tu nous aies quitté cherchant déjà et doutant; s'il en reste encore quelques traces dans ton esprit, elle en disparaîtra bien certainement, soit quand je t'aurai envoyé un entretien que nous avons eu sur la Religion, soit quand je discuterai longuement avec toi-même.