Traduction
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Traité de la musique
3.
Le M. Que dire maintenant du son considéré dans l'organe même de l'auditeur? Peut-il exister si aucun son ne se produit au dehors? Je ne te demande pas si l'oreille a la vertu de percevoir un son qui vient à se produire : elle le possède, et cela en l'absence de tout son; le silence fût-il complet, la faculté d'entendre serait fort distincte de la surdité. Voici toute ma question : se cache-t-il dans le sens de l'ouïe des rapports d'harmonie, en l'absence même de tout son ? Posséder virtuellement des principes d'harmonie et percevoir un son harmonieux sont deux choses bien distinctes. Si tu touches du doigt une partie sensible du corps, ce mouvement est perçu par le tact chaque fois qu'il se renouvelle: ce mouvement ne peut donc être étranger à celui qui le ressent; aussi ne te demandé-je pas si le tact a la capacité de sentir, quand personne ne le touche; mais s'il renferme virtuellement les rapports selon lesquels le mouvement s'exécute ? — L’E. Il me semble peu vraisemblable que le sens de l'ouïe ne renferme pas en lui de tels rapports même quand aucun son ne le frappe : autrement il ne serait ni flatté de l'harmonie des sons ni choqué de leur discordance. Cette harmonie intérieure qui nous aide naturellement et sans le concours de la raison à trouver qu'un son est flatteur ou désagréable, est pour moi l'harmonie particulière au sens de l'ouïe. Ce sens en effet, l'ouïe, dis-je, n'acquiert pas cette faculté de distinguer les sons quand il les entend : les oreilles s'ouvrent de la même manière, que le son soit harmonieux ou discordant. — Le M. Prends bien garde de confondre ici deux choses fort distinctes.
Si l'on prononce un vers rapidement ou avec lenteur, la durée des temps change, quoique le rapport entre les pieds reste invariable. Par conséquent, l'impression agréable qu'il fait à l'oreille, dans son genre, est due à la faculté que nous avons d'approuver les sons harmonieux et de repousser les sons faux: mais l'impression qu'il produit en tant qu'il est prononcé plus ou moins vite, tient uniquement à la durée des sons qui frappent l'oreille. L'impression est donc bien distincte selon que le son frappe ou ne frappe pas l'oreille. S'il y a de la différence entre entendre et n'entendre pas, il y en a également entre entendre deux sons d'inégale durée : l'impression se fait dans des limites précises, je veux dire, dans les limites du son qui la fait naître : elle varie avec l'iambe ou le tribraque, sa durée s'étend ou s'abrégé selon qu'on prononce l'iambe avec plus ou moins de lenteur, elle s'évanouit avec le son. Vient-elle d'un mot cadencé? Elle reproduit la cadence. Enfin elle ne peut exister qu'avec le son qui la fait naître : elle ressemble à la trace imprimée sur l'eau, trace qui se forme et qui disparaît selon que le corps est ou n'est pas en contact avec elle. Quant à cette faculté naturelle d'appréciation qui est localisée dans l'oreille, elle ne disparaît pas dans le silence, loin de la créer en nous, le son tombe sous son contrôle pour en être approuvé ou blâmé. Il faut donc distinguer avec soin ces deux phénomènes et reconnaître que l'harmonie née de l'impression que les sons produisent sur l'oreille s'élève et disparaît avec eux. De là cette conséquence : les rapports d'harmonie que renferme le son peuvent exister indépendamment de ceux qui naissent dans le cas où l'ouïe s'exerce, tandis que ces derniers ne peuvent exister sans eux.
Edition
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De musica (PL)
3.
M. Quid iste alter, qui est in sensu audientis? potestne esse si nihil sonet? Non enim quaero utrum habeant illae aures vim percipiendi si quidquam sonuerit, qua utique non carent si desit sonus: non enim et cum silentium est, nihil a surdis differunt; sed quaero utrum ipsos numeros habeant, etiamsi nihil [Col. 1164] sonet. Siquidem aliud est habere numeros, aliud posse sentire numerosum sonum. Nam et si sentientem corporis locum digito tangas, quotieslibet tangitur, toties sentitur tactu ille numerus: et cum sentitur, non eo caret sentiens: sed utrum insit etiam tangente nullo, non sensus ille, sed numerus, similiter quaeritur. D. Non facile dixerim, carere sensum numeris talibus in se constitutis, etiam antequam aliquid sonet: non enim aliter aut eorum mulceretur concinnitate, aut absurditate offenderetur. Idipsum ergo quidquid est, quo aut annuimus aut abhorremus, non ratione sed natura, cum aliquid sonat, ipsius sensus numerum voco. Non enim tunc fit in auribus meis, cum sonum audio, haec vis approbandi et improbandi. Aures quippe non aliter bonis sonis quam malis patent. M. Vide potius ne ista duo sint minime confundenda. Nam si versus quilibet modo correptius, modo productius pronuntietur, spatium temporis non idem teneat necesse est, quamvis eadem pedum ratione servata. Ut ergo ipso suo genere aures mulceat, illa vis facit qua concinna adsciscimus, et absurda respuimus. Ut autem breviore tempore sentiatur cum celerius, quam cum tardius promitur, non interest aliquid nisi quamdiu aures tangantur sono. Affectio ergo haec aurium cum tanguntur sono, nullo modo talis est ac si non tangantur. Ut enim differt audire ab eo quod est non audire, ita differt hanc vocem audire ab eo quod est alteram audire. Haec igitur affectio nec ultra porrigitur, nec infra cohibetur; quoniam est mensura ejus soni qui facit eam. Altera est ergo in iambo, altera in tribracho; productior in productiore iambo, correptior in correptiore; nulla in silentio. Quae si numerosa voce fit, etiam ipsa numerosa sit necesse est. Neque esse potest, nisi cum adest effector ejus sonus: similis est enim vestigio in aqua impresso, quod neque ante formatur quam corpus impresseris, neque remanet cum detraxeris. Naturalis vero illa vis quasi judiciaria, quae auribus adest, non desinit esse in silentio, nec nobis eam sonus infert, sed ab ea potius, sive probandus, sive improbandus excipitur. Quare ista duo, nisi fallor, distinguenda sunt; et fatendum numeros, qui sunt in ipsa passione aurium, cum aliquid auditur, sono inferri, auferri silentio. Ex quo colligitur numeros qui sunt in ipso sono, posse esse sine istis qui sunt in eo quod est audire, cum hi sine illis esse non possint.