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Traité de la musique
22.
Quant aux nombres de mémoire, il est bien plus évident que nous les apprécions avec les nombres de jugement, et que c'est le souvenir qui nous les représente encore. Car si les nombres de réaction ne sont appréciés qu'autant qu'ils sont représentés à l'esprit par la mémoire, il est bien plus vrai de dire que ceux auxquels le souvenir nous ramène, après d'autres efforts d'activité, subsistent et se retrouvent dans la mémoire, comme si nous les y avions mis en dépôt. Que faisons-nous en effet, en évoquant nos souvenirs? Ne cherchons-nous pas à retrouver un dépôt? Or, un mouvement, qui ne s'est pas encore effacé, se représente à l'esprit, à propos de mouvements analogues, et c'est là ce qu'on appelle souvenir. C'est de cette façon que nous reproduisons en esprit ou par le jeu des organes des mouvements antérieurs. Et comment reconnaissons-nous qu'ils ne se présentent pas pour la première fois, mais qu'ils reviennent à l'esprit? C'est qu'ils se reproduisaient avec peine, au moment qu'ils se fixaient dans la mémoire et que nous avions besoin d'un avertissement pour les suivre : au contraire, lorsque cette peine a disparu, qu'ils se plient docilement aux ordres de la volonté, à leur moment et dans leur ordre, et qu'ils ont acquis la souplesse de ces mouvements qui, plus profondément gravés dans l'esprit, s'accomplissent par leur propre impulsion, notre pensée fût-elle occupée ailleurs , alors nous nous apercevons qu'ils ne se produisent pas pour la première fois.
Nous avons encore, selon moi, un autre moyen de nous apercevoir qu'un mouvement actuel s'est produit antérieurement en nous. C'est de le reconnaître, en comparant grâce à la lumière de la conscience, les derniers mouvements, plus vifs sans aucun doute, de l'opération accomplie au moment du souvenir, avec les mouvements plus calmes que reproduit la mémoire : cette reconnaissance, cette revue n'est que le souvenir.
Ainsi les nombres de jugement apprécient les nombres de mémoire, non isolés, mais accompagnés des nombres d'action ou de réaction, ou de tous deux ensemble : car ce sont ces derniers qui les tirent de leurs profondeurs et les mettent en lumière, et qui, renouvelant pour ainsi dire leurs traces effacées, les représentent à l'esprit. Donc, puisque les nombres de réaction ne sont appréciés qu'autant que la mémoire les met en présence des nombres de
jugement, à leur tour les nombres de mémoire, qui subsistent dans le souvenir, peuvent être reproduits par les nombres de réaction et ainsi être appréciés : toutefois il y a cette différence que, pour faire tomber les nombres de réaction sous les prises du jugement, la mémoire doit reproduire les traces toutes fraîches qu'ils ont laissées dans leur fuite rapide, tandis que quand nous apprécions avec l'oreille les nombres de mémoire, les mêmes traces se renouvellent par le retour des nombres de réaction.
Quant aux nombres sonores, est-il besoin d'en parler? Ils sont appréciés parle concours des nombres de réaction, lorsqu'ils frappent l'oreille. Et s'ils retentissent sans qu'on les entende, ils échappent à notre jugement, personne n'en doute. Il en est des danses et autres mouvements visibles comme des sons qui sont transmis par l'appareil de l'ouïe : les rapports de temps y sont appréciés par le jugement aidé de la mémoire.
Edition
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De musica (PL)
22.
Recordabiles vero numeros multo evidentius est, quod eadem ipsa offerente memoria, judicamus his judicialibus. Nam si occursores, quantum ab ea offeruntur, tantum judicantur; multo magis ii, ad quos tanquam repositos post alias intentiones revocamur recordatione, in ipsa memoria vivere inveniuntur. Quid enim aliud agimus cum revocamus nos in memoriam, nisi quodammodo quod reposuimus quaerimus? Recurrit autem in cogitationem occasione similium motus animi non exstinctus, et haec est quae dicitur recordatio. Sic agimus numeros, vel in sola cogitatione, vel etiam in membrorum motu, quos jam egimus aliquando. Inde autem scimus non venisse, sed redisse illos in cogitationem, quia cum memoriae mandarentur, cum difficultate repetebantur, et indigebamus aliqua praemonstratione ut sequeremur: qua difficultate dempta, cum sese ipsi accommodate voluntati offerunt, consequenter temporibus atque ordine suo, tam facile ut qui vehementius inhaeserunt, etiam aliunde cogitantibus nobis, jam quasi proprio nutu peragantur, non eos utique novos esse sentimus. Est etiam aliud unde nos sentire arbitror praesentem motum animi aliquando jam fuisse, quod est recognoscere, dum recentes motus ejus actionis in qua sumus cum recordamur, qui certe vivaciores sunt, cum recordabilibus jam sedatioribus quodam interiore lumine comparamus: et talis agnitio, recognitio est et recordatio. Judicantur ergo et recordabiles numeri ab his judicialibus, nunquam soli, sed adjunctis activis, aut occursoribus, aut utrisque, qui eos tanquam e latebris suis in manifestum producant, et quasi redintegratos qui jam abolebantur, rursum recordantur. Ita cum occursores in tantum judicentur, in quantum eos memoria judicantibus admoverit, possunt vicissim et recordabiles qui sunt in memoria occursoribus eos exhibentibus judicari: ut hoc intersit, quod occursores ut judicentur, quasi recentia eorum fugientium vestigia offert memoria; recordabiles autem quando eos audiendo judicamus, quasi eadem vestigia occursoribus transeuntibus revirescunt. Jam porro de sonantibus numeris quid opus est dicere, cum in occursoribus judicentur, si audiantur? Si vero ibi sonant ubi non audiuntur, quis dubitet eos a nobis non posse judicari? Sane ut in sonis per instrumentum aurium, ita in saltationibus caeterisque visibilibus motibus, quod ad temporales numeros attinet, eadem [Col. 1176] adjuvante memoria iisdem numeris judicialibus dijudicamus.