I.
Le démon s'y prend de plusieurs manières pour contrefaire la vérité. Il affecte quelquefois de la défendre pour mieux l'ébranler. Il prêche un seul Dieu, Père tout-puissant, Créateur de l'univers, afin de susciter une hérésie à l'occasion de cette unité. Il soutient, par exemple, que c'est le Père qui est descendu dans le sein d'une Vierge, lui qui est né d'elle, lui qui a souffert, en un mot, lui qui est Jésus-Christ. Le serpent s'est mis en contradiction avec lui-même. Il oublie qu'au moment où il tenta Jésus-Christ, que Jean venait de baptiser, il l'aborda comme Fils de Dieu, certain que Dieu avait un Fils, ne fût-ce que par les Ecritures, en vertu desquelles il essayait de le tenter: «Si vous êtes le Fils de Dieu, commandez que ces pierres deviennent des pains;» et encore: «Si vous êtes le Fils de Dieu, jetez-vous en bas, car il est écrit qu'il vous a confié à ses anges,» le Père apparemment, «pour qu'ils vous portent dans leurs mains, et de peur que votre pied ne heurte contre la pierre.» Ou bien, peut-être qu'il a reproché aux Evangiles leur mensonge, en disant: «Qu'importe Matthieu! qu'importe Luc! Quant à moi, c'est Dieu lui-même que j'allai trouver; c'est le Tout-Puissant en personne que je tentai en face. Voilà pourquoi je l'abordai; pourquoi je le tentai. D'ailleurs, si Dieu avait un Fils, je n'aurais jamais daigné le tenter.» C'est le démon plutôt qui «est menteur dès l'origine,» lui est l'homme qu'il infecte de son poison, tel que Praxéas, par exemple.
Praxéas, en effet, transporta le premier de l'Asie à Rome ce genre de perversité, homme d'un caractère inquiet, enflé par l'orgueil du martyre, pour quelques moments d'ennui dans une prison de quelques jours, a lors même que, s'il eût livré son corps aux flammes, il n'aurait rien gagné, puisqu'il n'a pas l'amour de Dieu, dont il a détruit les dons. L'évêque de Rome reconnaissait déjà les prophéties de Montan, de Prisca et de Maximilla, et par cette reconnaissance il donnait la paix aux Eglises d'Asie et de Phrygie, lorsque Praxéas, en lui rapportant des choses controuvées sur les Prophètes eux-mêmes et leurs églises, et en défendant l'autorité de ses prédécesseurs, le força de révoquer les lettres de paix qui étaient déjà parties, et le détourna du dessein qu'il avait de recevoir les dons nouveaux. Praxéas à Rome rendit donc un double service au démon; il chassa la prophétie et il introduisit, l'hérésie; il mit en fuite le Paraclet, et il crucifia le Père. L'ivraie semée par Praxéas avait fructifié; car «elle avait été jetée ici où nous sommes pendant que le grand nombre dormait,» dans la simplicité de la doctrine; dénoncée ensuite par celui qu'il plut à Dieu d'y employer, elle paraissait entièrement arrachée. En un mot, l'hérétique s'était précautionné contre le passé; il devint docteur après sa rétractation; l'acte qui la constate est encore entre les mains des Psychiques, devant qui la chose eut lieu; depuis silence absolu. Quant à nous, la connaissance et l'admission du Paraclet nous sépara depuis des Psychiques. Mais cette ivraie avait répandu sa graine. Après s'être cachée pendant quelque temps, par l'hypocrisie, sous une vitalité qui échappait à tous les regards, la voilà qui fait invasion de nouveau. Mais elle sera de nouveau déracinée, s'il plaît au Seigneur, dans le temps présent; sinon «toutes les moissons adultères seront rassemblées en leur jour, et brûlées dans des flammes inextinguibles avec tous les autres scandales.»