10.
Lorsqu'on lit ces maximes dans les auteurs païens , on admire , on applaudit; on ne se lasse pas de louer ces moeurs généreuses , et l'on trouve que la république qui aimait mieux pardonner que de venger une injure était bien digne de commander à tant de nations. Mais quand c'est l'autorité divine qui enseigne qu'il ne faut pas rendre le mal pour le mal, quand cette salutaire exhortation retentit de haut à tous les peuples et comme à des écoles publiques de tout sexe, de tout âge, de tout rang, on accuse la religion d'être ennemie de la république ! Si cette religion était entendue comme elle devrait l'être, elle établirait, consacrerait, affermirait, agrandirait une république mieux que n'ont jamais su faire Romulus, Numa, Brutus et d'autres hommes illustres de la nation romaine. En effet, qu'est-ce que c'est qu'une république, si ce n'est la chose du peuple, la chose commune, la chose de la cité? Et qu'est-ce que c'est que la cité, si ce n'est une multitude d'hommes réunis par les liens de la concorde? Car on lit dans les livres des Romains qu'en peu de temps « une multitude errante et dispersée devint une cité par l'union. » Et les Romains jugèrent-ils jamais à propos de lire dans leurs temples ces préceptes d'union ? Ils étaient misérablement forcés de chercher les moyens d'honorer tous leurs dieux divers sans donner du déplaisir à aucun, car tous ces dieux ne s'entendaient pas entre eux: s'ils avaient voulu les imiter dans leurs discordes, leur cité aurait péri dans les déchirements; c'est ce qu'on vit peu après par les guerres civiles qui suivirent l'altération et la corruption des moeurs.