25.
Si je voulais montrer, par des paroles, que les enfants, qui ne savent encore rien des choses humaines, ne connaissent pas les choses divines, je craindrais de faire injure même à nos sens, car l'évidence de la vérité est ici plus forte que tous les discours. Quand les enfants commencent à bégayer quelques mots et qu'un langage naissant les sépare du premier âge, ne les voyons-nous pas, si bornés dans ce qu'ils pensent et ce qu'ils disent, que, s'ils ne sortaient pas de cet état avec les années, il n'y a personne qui ne les déclarerait imbéciles, à moins d'être plus imbécile qu'eux ? Dirons-nous que ces enfants savaient beaucoup au berceau et même dans le silence du sein maternel, mais que du moment qu'ils ont commencé à parler avec nous, ils se sont enfoncés dans l'ignorance où nous les voyons? Vous comprenez tout ce qu'il y aurait d'absurde dans cette opinion ; les idées que les enfants expriment, tant bien que mal, au premier âge, ne sont presque rien assurément à côté du langage des hommes faits; pourtant c'est de l'intelligence, si on compare cet état à celui où ils naissent. D'où vient qu'au moment du baptême, lorsqu'il s'agit d'un si grand bienfait de la grâce chrétienne, on ne leur impute pas les cris et les mouvements par lesquels ils se défendent? D'où vient que l'on compte pour rien toute leur résistance et qu'on ne laisse pas d'achever le sacrement qui doit effacer en eux le péché originel? N'est-ce point parce qu'ils ne savent pas ce qu'ils font, et qu'ils sont censés ne pas le faire ? Quel chrétien ignore que, si ces enfants étaient capables de raison et de volonté et, par conséquent, obligés de consentir à leur sanctification par le baptême, leur résistance à une aussi grande grâce serait coupable, et que le baptême ne leur serait pas seulement inutile, mais encore aggraverait leur état de péché ?