58.
Une question plus importante est de savoir comment Adam, si son intelligence était déjà spirituelle, quoique le corps fût animal, a pu se laisser prendre aux paroles du serpent et croire que Dieu leur avait défendu de toucher à l'arbre de vie, parce qu'il savait que la connaissance du bien et du malles rendrait semblables à lui; comme si t'eût été là l'unique avantage que Dieu eût envié à sa créature ? Il serait étrange qu'avec une intelligence ornée des dons de la spiritualité, l'homme eût été dupe d'une pareille illusion. N'est-ce point parce qu'il y résista qu'il fut harcelé par sa femme, laquelle était moins intelligente et vivait peut-être à cette époque de la vie des sens sans connaître celle de l'esprit? L'Apôtre en effet ne lui donne pas le privilège de ressembler directement à Dieu: « L'homme, dit-il, ne doit pas se couvrir la tête, étant l’image et la gloire du Seigneur; mais la femme est la gloire de l'homme 1. » Ce n'est pas que l'esprit de la femme ne puisse également réfléchir la même image, puisque le même Apôtre dit que sous le règne de la grâce « il n'y a plus ni hommes ni femmes 2 ; » il est plutôt probable que la femme n'avait point encore acquis les dons que vaut à l'esprit la connaissance de Dieu et qui lui auraient été peu à peu communiqués par son mari, chargé de l'instruire et de la gouverner. L'Apôtre n'a pas dit en vain : « Adam a été créé le premier, Eve ensuite. De plus Adam n'a pas été séduit, mais c'est Eve qui ayant été séduite a été la cause de la prévarication du genre humain 3 : » ajoutons, en rendant l'homme lui-même prévaricateur. Adam en effet a été prévaricateur, comme le dit encore l'Apôtre quand il parle « de la prévarication du premier Adam, type de l'Adam futur 4. » Mais il dit formellement qu'Adam n'a point été séduit. Remarquons en effet qu'en répondant à Dieu, il ne dit pas: la femme m'a séduit, mais bien : « la femme que vous avez mise avec moi m'a donné du fruit et j'en ai mangé. » La femme dit au contraire expressément : « Le serpent m'a séduite. »