35.
J'ai connu un homme tourmenté par l'esprit impur : il avertissait de l'instant où partait le prêtre qui venait le visiter, quoiqu'il y eût une distance de douze mille; il marquait durant toute sa route l'endroit où il se trouvait, son approche, le moment où il entrait dans le village, dans la maison, dans la chambre, jusqu'à ce qu'il le vit en face de lui. Il fallait bien que ce malade, pour parler si juste, vit toute la suite du voyage de quelque manière, encore qu'il ne pût la voir des yeux. Il avait la fièvre et débitait tout cela comme s'il avait été en délire. Peut être était-il réellement en délire, et passait-il à cause de cette frénésie pour être possédé du diable. Il refusait toute nourriture de la main de ses proches, et n'en voulait prendre que de la main du prêtre. Il opposait encore à ses proches toute la résistance dont il était capable : le prêtre arrivait-il ? aussitôt il se calmait, répondait avec docilité et obéissait en tout. Cependant le prêtre ne put le délivrer de cette frénésie ou de cette possession ; le mal ne le quitta qu'avec la fièvre, comme il arrive à ces sortes de malades, et depuis lors il ne ressentit jamais rien de semblable.