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Œuvres Augustin d'Hippone (354-430) Quaestionum in Heptateuchum l. VII Questions sur l'Heptateuque
LIVRE DEUXIÈME. QUESTIONS SUR L'EXODE

CLIV. (Ib. XXXIII, 4-23.)

1. Interprétation prophétique de ces mots : Je passerai devant toi. — Moïse ayant dit au Seigneur : « Montrez-moi votre gloire » le Seigneur lui répond: « Je passerai devant toi dans ma gloire et je nommerai le Seigneur en ta présence; j'aurai eu pitié de celui dont j'aurai eu pitié, et je ferai miséricorde à qui j'aurai fait miséricorde. » Or un peu plus haut Dieu avait dit: « Je te précèderai moi-même, et je te donnerai le repos. » Moïse semble avoir interprété cette parole: « Je te précéderai, » en ce sens que Dieu ne serait pas présent au milieu du peuple dans le voyage; aussi répond-il : « Si vous ne venez pas vous même avec nous, ne me faites point sortir d'ici, etc. » Et cette prière Dieu ne la rejette pas encore, il lui dit: « Je ferai encore ce que tu viens de demander. » Comment donc après que Moise lui a dit Montrez-moi votre gloire, donne-t-il de nouveau à entendre dans ces paroles : «Je passerai devant, toi» qu'il les précèdera, mais qu'il ne sera pas avec eux ? Ne faut-il pas évidemment admettre ici un autre sens Celui en effet qui fait entendre ce langage: « Je passerai devant toi,» est Celui dont l'Evangile parle en ces termes: « Jésus voyant que l'heure était venue de passer de ce monde à son Père 1; » passage qui est encore appelé la Pâque. Ici par conséquent se trouve une prophétie de haute importance. C'est Lui qui a passé de ce siècle à son Père avant tous les saints, pour leur préparer dans le royaume des cieux les demeures qu'il leur donnera à la résurrection des morts; devant passer avant tous, il est devenu le premier-né d'entre les morts 2.

2. Continuation de la même prophétie. — Quand Dieu ajoute : « Je nommerai le Seigneur en ta présence, » il fait connaître d'une manière frappante la grâce qu'il a mise en lui : C'est comme s'il disait : en présence du peuple d'Israël, car Moïse en était le type, au moment où ses paroles s'adressaient à lui. Or, le nom de Notre-Seigneur Jésus-Christ est publié parmi toutes les nations, sous les yeux de son peuple dispersé en tout lieu. Le texte porte : Je nommerai, au lieu de : « je serai nommé ; » l'actif est mis, par extraordinaire, pour le passif: ceci voile évidemment un sens profond. Peut-être Dieu, en signalant ici son intervention, a-t-il voulu faire entendre que par un effet de sa grâce, le nom du Seigneurserait prononcé parmi toutes les nations.

3. Sur la vocation des Gentils. — « J'aurai pitié de celui dont j'aurai eu pitié, et je ferai miséricorde à qui j'aurai fait miséricorde. » Ici Dieu montre encore plus expressément le caractère de notre vocation à son royaume et à sa gloire: elle n'est pas le fruit de nos mérites, mais de sa miséricorde. Car après avoir promis d'introduire les nations, en disant: « Je nommerai le Seigneur en ta présence, » il attribue cette faveur à sa miséricorde, selon ce mot de l'Apôtre: « Je déclare que le Christ a été le ministre de la circoncision, pour la véracité de Dieu, dans l'accomplissement des promesses faites à nos pères; mais quant aux Gentils, ils doivent louer Dieu de sa miséricorde 3. » Tel était donc le sens de cette prédiction : « J'aurai pitié de celui dont j'aurai eu pitié, et je ferai miséricorde à qui j'aurai fait miséricorde. » De là, défense à l'homme de mettre sa gloire dans le mérite de ses propres vertus: il faut que « celui qui se glorifie, se glorifie dans le Seigneur 4 . » Car il ne dit pas : « J'aurai pitié » de tels est tels, mais « de celui envers qui j'aurai été miséricordieux; » voulant faire voir que personne n'a mérité la grâce de cette sublime vocation par ses bonnes oeuvres précédentes. Le Christ est mort, en effet pour des coupables 5.

4. Sur la miséricorde de Dieu. — Dans les paroles suivantes : « Je ferai miséricorde à qui j'aurai fait miséricorde », ou selon d'autres interprètes, « envers qui j'aurai été miséricordieux, » faut-il voir la répétition de ce qui précède, ou bien quelque chose de différent ? Je l'ignore. Car ce que le grec exprime en deux mots eleeso et oikteireso, qui semblent n'avoir qu'une seule et même signification, le latin ne peut le rendre par des mots différents, et c'est avec une variante de forme qu'il exprime la même pensée de miséricorde. Si le texte portait: « Je ferai miséricorde à qui je fais miséricorde, » et: « Je ferai miséricorde à qui j'aurai fait miséricorde, » il semblerait que cette rédaction est imparfaite. La répétition employée ici, rend cependant le sens avec plus de force : car, ou bien Dieu s'est servi de cette répétition pour mieux affermir sa miséricorde, comme quand il est dit : l'amen, amen, fiat, fiat; le double songe de Pharaon, et plusieurs autres exemples semblables pourraient être cités à l'appui. Ou bien encore dans la bouche de Dieu, c'est l'annonce de la miséricorde qu'il doit exercer envers les deux .peuples, je veux dire les Gentils et les Hébreux. C'est ce que dit l'Apôtre : « Comme autrefois vous ne croyiez pas en Dieu, et que maintenant vous avez obtenu miséricorde à l'occasion de l’incrédulité des Juifs ; ainsi à présent les Juifs n'ont pas cru à la miséricorde que vous avez reçue, afin qu'ils obtiennent eux-mêmes miséricorde. Car Dieu a renfermé tous les peuples dans l'incrédulité, afin d'exercer sa miséricorde envers tous.6 »

5. La vision de Dieu est réservée au Ciel. — Après cet éloge de sa miséricorde, Dieu répond à cette prière de Moïse : « Montrez-moi votre gloire, » ou à cette autre demande qu'il lui avait faite précédemment : « Montrez-vous vous-même à moi, afin que je vous voie clairement. » — « Tu ne pourras, lui dit-il, voir mon visage: car nul homme ne le verra sans mourir 7. » Il nous enseigne par là qu'il ne peut-être vu de nous tel qu'il est, pendant cette vie, qui se passe dans les sens mortels d'une chair corruptible ;mais qu'il est visible dans cette autre vie, où il n'est donné de vivre, qu'à celui qui es mort à la vie de ce monde.

6. Le lieu où Dieu appelle Moïse, image de l'Eglise. — Nous lisons ensuite dans l'Ecriture : « Le Seigneur dit encore » et voici la suite de . son discours : « Il y a un lieu où je suis 8. » Or, en quel lieu Dieu n'est-il pas, puisqu'il n'est absent pour aucun endroit de la terre. Dans ces paroles : « Il y a un lieu où je suis, » c'es l'Eglise qu'il signale et qu'il nous signale comme son temple. « Et, ajoute-t-il, tu te tiendras sur la pierre. » C'est « sur cette pierre, dit le Seigneur, que je bâtirai mon Eglise 9. » — « Aussitôt que ma gloire passera, », ce qui veut dire du te tiendras sur la pierre, aussitôt que ma gloire passera; car après le passage du Christ, en d'autres termes après sa passion et sa résurrection, le peuple fidèle s'est tenu sur la pierre. Nous lisons encore; « Et je te mettrai dans la caverne de la pierre, » ce qui signifie une position inébranlable. Plusieurs traduisent dans l'échauguette de la pierre; mais le grec porte open, expression que nous rendons mieux par creux ou caverne.

7. Moïse type des Juifs convertis après la résurrection de Jésus-Christ. — « Je te couvrirai de ma main, jusqu'à ce que je sois passé ; ensuite je retirerai ma main, et alors tu me verras par derrière, mais tu ne verras pas mon visage. » Dieu ayant dit: « Tu te tiendras sur la pierre aussitôt que ma gloire passera, » ceci impliquait la promesse de la stabilité sur la pierre après le passage de Dieu. Comment donc interpréter ce qui suit : « Je te mettrai dans la caverne de la pierre, et je te couvrirai de ma main, jusqu’à ce que je sois passé ; puis je retirerai ma main et alors tu me verras par derrière.» Ici il semble que Moïse se tient déjà sur la pierre; Dieu le couvre de sa main, et c'est ensuite qu'il passe, tandis que Moïse ne pouvait être sur la pierre qu'après le passage de Dieu. Mais il faut voir dans ce passage une de ces transpositions qu'on rencontre si fréquemment dans l'Ecriture. Elle amis après ce qui devait être avant. Le récit doit marcher dans l'ordre suivant : « Je te couvrirai de ma main jusqu'à ce que je sois passé, et alors tu me verras par derrière :car tu ne verras pas mon visage ; et tu te tiendras sur la pierre, aussitôt que ma gloire passera, et je te mettrai dans la caverne de la pierre. » C'est en effet ce qui se réalise dans la personne de ceux que représentait Moïse, je veux dire, dans les Israëlites, qui au rapport des Actes des Apôtres, crurent ensuite au Seigneur Jésus, c'est-à-dire aussitôt que sa gloire fut passée. Après sa Résurrection d'entre les morts et son Ascension au Ciel, il envoya le Saint-Esprit; et au moment où les Apôtres parlaient les langues de tous les peuples, plusieurs d'entre ceux qui crucifièrent le Christ « furent « touchés de componction en leur coeur 10 : » une portion d'Israël, en effet, était tombée dans l'aveuglement 11, selon cette parole : « Je te couvrirai de ma main, jusqu'à ce que je sois passé, » et ils méconnurent et crucifièrent le Seigneur de la gloire. Ce qui fait dire au Psalmiste : « Le jour et la nuit, votre main s'est appesantie sur moi 12. »Le jour, c'est le temps où le Christ opérait ses miracles divins; la nuit, c'est le moment de sa mort entant. qu'homme, où se trouvèrent ébranlés ceux mêmes qui avaient cru en lui durant le jour. « Lorsque je serai passé, tu.me verras par derrière, » signifie donc : Lorsque je serai passé de ce monde. à mon Père, après cela seulement, ceux dont tu es le type croiront en moi 13. C'est alors en effet qu'ils dirent avec un coeur plein de componction: « Que faut-il que nous fassions ?» Et les Apôtres leur ordonnèrent de faire -pénitence et de recevoir le baptême au nom de Jésus-Christ, pour qu'ils obtinssent la rémission de leurs péchés. Nous voyons l'enchaînement de ces faits au psaume cité plus haut. Après avoir dit : « Le jour et la nuit, votre main s'est appesantie sur moi, » pour m'empêcher de connaître, « car s'ils avaient connu le Seigneur de la gloire, jamais ils ne l'auraient crucifié 14 », il ajoute : « Je me suis tourné vers vous dans ma désolation, tandis que l'épine me pénétrait, » c’est-à-dire, tandis que mon coeur était dans la componction; il dit ensuite : « J'ai connu mon péché, et je n'ai pas caché mon crime, » ce qui eut lieu quand ils reconnurent la grandeur du forfait qu'ils avaient commis en crucifiant le Christ. Il leur fut conseillé ensuite de faire pénitence et de recevoir dans le baptême la. rémission de leurs péchés, c'est pourquoi le Palmiste ajoute: « J'ai dit: Je m'accuserai moi-même de mon péché devant le Seigneur, et vous m'avez pardonné l'impiété de mon coeur. »

8. Ce que Dieu veut dire est une prophétie. — Il est évident de soi que ce discours de Dieu à Moïse est surtout une prophétie.. En effet, -nous ne lisons pas que la pierre ou sa caverne, ni cette main dont Dieu devait couvrir Moïse, ni le privilège qu'il lui aurait accordé de le voir par derrière, ni rien en un mot de tout ce qui est rapporté dans ce passage ait existé. Sans autre transition qu'une particule, l’Ecriture ajoute : « Et le Seigneur dit à Moïse » ; or, c'est le même Seigneur qui vient de parler plus haut, et l'Ecriture relie de cette manière aux paroles précédentes ce que Dieu dit ensuite: « Fais-toi deux tables de pierre, semblables aux premières etc. »


  1. Jean, XIII, 1.  ↩

  2. I Col. I, 18. ↩

  3. Rom. XV, 8, 9.  ↩

  4. II Cor. X, 17.  ↩

  5. Rom. V, 6. ↩

  6. Rom. XI, 30-32.  ↩

  7. Ex. XXXIII, 20.  ↩

  8. Ib. 21.  ↩

  9. Matt. XVI, 18. ↩

  10. Act. II, 37.  ↩

  11. Rom XI, 25.  ↩

  12. Ps. XXX, I, 4, 5. ↩

  13. Act. II, 37.  ↩

  14. I Cor. II, 8. ↩

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