64.
« Comment en effet dis-tu à ton frère : Laisse-moi ôter le fétu de ton oeil, tandis qu'il y a une poutre dans le tien ? Hypocrite, ôte d'abord la poutre de ton oeil, et alors tu songeras à ôter le fétu de l'oeil de ton frère ; » c'est-à-dire, bannissez d'abord la haine de votre âme, et ensuite vous pourrez corriger celui que vous aimez. Et c'est avec raison qu'on dit hypocrite. Car accuser les vices est le propre des hommes justes et bienveillants ; en le faisant, les méchants usurpent un rôle qui ne leur appartient pas, comme les comédiens cachent sous un masque ce qu'ils sont, et représentent un personnage qu'ils ne sont pas. Sous ce nom d'hypocrites entendez donc les hommes dissimulés. C'est une vengeance funeste et contre laquelle il faut bien se tenir en garde ; ils se constituent, par haine et par jalousie, accusateurs de tous les vices et veulent encore passer pour de sages conseillers. Nous devons donc, quand la nécessité nous oblige à reprendre ou à blâmer quelqu'un, agir avec bonté et prudence et nous demander sérieusement si ce vice est de ceux que nous n'avons jamais eus ou dont nous sommes guéris; si cela est, nous souvenir que nous sommes hommes et que nous aurions pu l'avoir, et si nous l'avons eu, être indulgents pour une faiblesse commune, afin que notre blâme ou nos reproches ne soient pas inspirés par la haine, mais par la compassion : en sorte que, soit que le. coupable doive profiter de nos avis, soit qu'il en devienne pire, car le résultat est incertain, nous soyons au moins assurés que notre oeil est resté simple. Mais si la réflexion nous découvre en nous le défaut que nous nous disposions à blâmer, gardons-nous de reprocher et de réprimander ; seulement gémissons avec le coupable et invitons-le, non plus à céder à nos injonctions, mais à se guérir avec nous.