9.
Aussi, au moment de remonter au ciel le quarantième jour, Notre-Seigneur Jésus-Christ a-t-il recommandé son corps pour l'endroit où il devait le laisser ; car, il le savait, plusieurs l'honoreraient en raison de sa résidence au ciel; mais il n'ignorait pas non plus l'inutilité des honneurs qu'ils lui rendraient, s'ils venaient à fouler aux pieds ses membres placés ici-bas. Afin de ne laisser place à erreur pour personne; afin qu'on n'écrasât pas ses pieds sur la terre, tandis qu'on adorerait sa tête dans le ciel, il dit où seraient ses membres. Avant de remonter vers son Père, il prononça des paroles, les dernières qui sortirent de sa bouche en ce monde. Sur le point d'entrer au ciel, le chef recommanda ses membres qui restaient sur la terre, puis il disparut. A partir de ce moment, tu n'entends plus le Christ parler ici-bas; si tu l'entends, il te parle du haut du ciel. Pourquoi a-t-il parlé du haut du ciel? Parce que ses membres étaient écrasés sur la terre. Aussi, de son séjour céleste dit-il au persécuteur Saul : « Saul, Saul, pourquoi me persécuter1 ? » Je suis remonté au ciel, mais je demeure encore sur la terre. Au ciel, je suis assis à la droite du Père; sur terre, j'ai encore faim et soif : j'y suis encore exilé. Au moment de remonter vers son Père, comment donc a-t-il recommandé son corps ? Ses disciples l'interrogeaient : « Seigneur » , lui disaient-ils, « sera-ce en ce temps-ci que vous reviendrez ? Quand rétablirez-vous le royaume d'Israël? Il leur répondit », en s'en allant : « Ce n'est point à vous de connaître les temps ou les moments que le Père a disposés dans sa puissance. Mais vous recevrez la vertu de l'Esprit-Saint venant sur vous, et vous serez témoins pour moi » . Voyez en quels endroits il répand ses membres : voilà où il ne veut pas qu'on l’écrase. « Vous serez témoins pour moi à Jérusalem, et dans toute la Judée, et à Samarie, et jusqu'aux extrémités de la terre2 ». Moi, qui monte au ciel, voilà où je réside encore. Je monte au ciel, en qualité de chef; mais mon corps reste ici. Ou reste-t-il ? Par toute la terre. Prends garde de le frapper, de lui faire violence, de le fouler aux pieds. Ce sont les dernières paroles que le Christ a prononcées avant de s'en aller au ciel. Supposez un homme cloué sur un lit de douleur, gisant dans sa maison, brisé par la maladie, sur le point de rendre l'âme, ayant, pour ainsi dire, la mort entre les dents : tourmenté au sujet d'une chose qui lui tient au coeur, et qu'il aime beaucoup, il porte sur elle ses pensées, puis il appelle ses héritiers, et leur dit : Je vous en conjure, faites cela. Il se fait en quelque sorte violence pour empêcher son âme de partir, avant qu'on lui ait promis d'accomplir ses suprêmes volontés. A peine a-t-il prononcé ces paroles, qu'il rend le dernier soupir et qu'on emporte son cadavre pour le mettre au tombeau. Quel souvenir les héritiers de cet homme conservent-ils de ses dernières paroles ? Le même que si on leur disait : N'exécutez pas ses recommandations ? Que répondraient-ils à pareille suggestion ? Comment? Je ne tiendrais aucun compte des dernières paroles de mon père mourant ? Je n'accomplirais pas les paroles après lesquelles il ne m'a plus rien dit, après lesquelles il est mort ? De toutes ses autres paroles, je pourrais faire un autre cas ; mais celles-ci me tiennent au coeur, parce qu'elles sont les dernières qu'il m'ait adressées; depuis lors, je ne l'ai plus vu, je ne l'ai plus entendu. Mes frères, j'en appelle à des coeurs chrétiens; si les recommandations d'un père mourant sont, à ce point douces, agréables et précieuses pour des héritiers ordinaires, vous, héritiers du Christ, quel cas vous devez tenir des dernières paroles qu'il a prononcées , avant d'aller, je ne dirai pas, en terre, mais au ciel ! Pour l'homme qui a vécu et qui est mort, son âme est transportée en une autre demeure, et l'on dépose son corps en terre ; que ses paroles s'accomplissent ou ne s'accomplissent pas, il ne s'en occupe nullement : il a autre chose à faire ou autre chose à souffrir : ou bien, il se réjouit dans le sein d'Abraham, ou bien, plongé dans le feu éternel, il désire une goutte d'eau pour se rafraîchir3: quant à son cadavre, il gît inanimé dans le tombeau et ne sait si l'on tient compte des dernières paroles qu'il a dites avant de mourir. Quel profit espèrent retirer de leur infidélité les hommes qui n'exécutent pas les dernières paroles de celui qui demeure dans le ciel et voit du haut de son trône si on les méprisé ou si on les accomplit, de celui qui a dit : « Saul, Saul, pourquoi me persécuter4 ? » de celui, enfin, qui se réserve, pour l'avenir, de porter son jugement sur les souffrances endurées par ses membres ?