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Œuvres Augustin d'Hippone (354-430) Expositio quarumdam propositionum ex epistula ad Romanos Explication de quelques propositions de l'Épître aux Romains

LXII.

« Cela ne dépend donc ni de celui qui veut, ni de celui qui court, mais de Dieu, qui fait miséricorde 1. » L'Apôtre ne détruit point ici le libre arbitre de la volonté ; mais il dit que notre volonté ne suffit pas, si Dieu ne vient à notre secours, pour nous rendre miséricordieux et par là-même capables de faire le bien ; ce qui est un don du Saint-Esprit, comme il a été dit précédemment dans ces paroles: «J'aurai pitié de celui dont j'aurai eu pitié, et je ferai miséricorde à celui à qui j'aurai fait miséricorde. » Avant notre vocation, la volonté nous est impossible ; et lors même que nous avons l'une et l'autre, celle-ci est encore insuffisante, aussi bien que notre activité, si, lorsque nous courons, le bras de Dieu ne nous soutient et ne nous conduit là où il nous appelle. Il est donc évident que, si nous pratiquons le bien, ce n'est point par notre volonté ni par nos efforts, mais par la miséricorde de Dieu ; quoique notre volonté, qui seule ne pourrait rien, y ait aussi sa part. Saint Paul en donne une preuve tirée du châtiment de Pharaon, lorsque ces paroles de l'Ecriture lui sont adressées : « Je t'ai suscité pour faire éclater en toi ma puissance, et pour que mon nom soit annoncé dans toute la terre. » Nous lisons en effet dans l'Exode, que le coeur de Pharaon fut endurci 2, jusqu'à demeurer insensible en présence de prodiges aussi éclatants. Si donc ce prince n'obéissait pas alors aux ordres de Dieu, c'était déjà un effet de la vengeance divine ; et personne ne peut dire qu'il subit, sans l'avoir mérité, cet endurcissement du coeur ; car son incrédulité reçut ainsi de la justice de Dieu le châtiment qu'elle méritait. On ne lui reproche donc pas sa désobéissance d'alors, puisque l'endurcissement de son cœur lui rendait la soumission impossible ; mais on lui reproche d'avoir, par son infidélité précédente, mérité cet endurcissement. Dans ceux que Dieu a choisis, ce ne sont point les oeuvres, c'est la foi qui commence à leur faire mériter la grâce de Dieu pour pratiquer le bien : ainsi en est il de ceux qu'il réprouve ; l'impiété et l'infidélité commencent à leur faire mériter ce châtiment qui est lui-même le principe de leurs oeuvres mauvaises, comme l'Apôtre l'a dit plus haut : « Et parce qu'ils n'ont pas montré qu'ils avaient la connaissance de Dieu, Dieu les a livrés à leur sens réprouvé, jusqu'à leur laisser faire les choses qui ne conviennent pas 3. » C'est pour cela qu'il conclut maintenant : « Donc il a pitié de qui il veut, et il endurcit qui il veut. » A celui dont il a pitié il fait faire le bien ; et celui qu'il endurcit, il l'abandonne pour lui laisser faire le mal. Mais cette miséricorde comme cet endurcissement sont le prix accordé subséquemment au mérite de leur foi ou à leur impiété : et ainsi nous faisons des œuvres bonnes ou mauvaises par un bienfait ou par un châtiment de Dieu ; ce qui n'ôte pas cependant à l'homme le libre arbitre de sa ,volonté, soit pour croire en Dieu et obtenir la miséricorde, soit pour être impie et mériter le châtiment.

Cette conclusion une fois déduite; saint Paul fait parler un contradicteur. Voici ses expressions : « Tu m'objecteras sans doute: De quoi se plaint-il encore ? car qui résiste à sa volonté ? » Et il répond à cette demande, en nous faisant comprendre que les hommes spirituels, qui déjà ne vivent plus selon l'homme terrestre, peuvent seuls avoir l'intelligence de cette première récompense que Dieu accorde à la foi ou à l'impiété, lorsque dans sa prescience il choisit ceux qui doivent croire et condamne ceux qui seront incrédules; choisissant les uns et , damnant les autres indépendamment de leurs oeuvres ; donnant à la foi des premiers la grâce de faire le bien, et endurcissant l'impiété des seconds en les laissant faire le mal. Mais parce que cette intelligence donnée, comme je l'ai dit, aux hommes spirituels, est très-éloignée de la prudence de la chair, saint Paul réfute celui qui l'interroge, en lui faisant comprendre qu'il doit avant tout se dépouiller de l'homme de boue, pour mériter de sonder ce mystère avec l'esprit. « O homme, dit-il en effet, qui es-tu, pour contester avec Dieu ? Le vase dit-il au potier : Pourquoi m'as-tu fait ainsi ? Le potier n'a-t-il pas le pouvoir de faire de la même masse d'argile un vase d'honneur et un autre d'ignominie ? » Tant que tu es un de ces vases, dit-il donc, une portion de cet argile façonné ; tant que tu n'es pas élevé aux choses spirituelles et devenu toi-même spirituel, capable de juger de tout, sans être jugé par personne, tu dois t'interdire ces sortes de recherches et ne point contester avec Dieu. Car si l'on désire entrer dans la connaissance de ses desseins, il faut auparavant être reçu dans son amitié ; ce qui n'est possible qu'aux hommes spirituels qui portent déjà l'image de l'homme céleste : « Désormais, dit-il en effet, je ne vous appellerai plus serviteurs, mais bien amis; car tout ce que j'ai appris de mon Père, je vous l'ai fait connaître 4. » Ainsi tant que tu es un vase d'argile, il faut avant tout que ce vase même soit en toi brisé par cette verge de fer dont il est dit : « Tu les gouverneras avec une verge de fer et tu les briseras comme un vase d'argile 5 : » afin que l'homme extérieur étant détruit et l'homme intérieur renouvelé, et toi-même inébranlablement affermi dans la charité, tu puisses comprendre la largeur, la hauteur et la profondeur, connaître même la science suréminente de la charité de Dieu 6. Maintenant donc que Dieu fait de la même masse d'argile des vases d'honneur et des vases d'ignominie, il ne t'appartient pas de discuter là-dessus, à toi qui vis encore selon cette masse, c'est-à-dire qui n'a que des goûts et des sympathies terrestres et charnelles.


  1. Rom. IX, 15-21.  ↩

  2. Ex. X, 1. ↩

  3. Rom. I, 28. ↩

  4. Jean, XV,15.  ↩

  5. Ps. II, 9. ↩

  6. Eph. III, 16,-19. ↩

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Explication de quelques propositions de l'Épître aux Romains

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