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Œuvres Augustin d'Hippone (354-430) Discours sur les Psaumes
DISCOURS SUR LE PSAUME XL

1.

En ce jour où nous célébrons les saints martyrs, pour glorifier les douleurs du Christ, chef des martyrs, qui ne s’est point épargné lui-même en appelant ses soldats au combat, mais qui a le premier combattu, le premier vaincu, afin d’encourager les combattants par son exemple, de les soutenir de sa majesté, de les couronner selon ses promesses ; écoutons quelques passages de ce psaume qui regardent la passion. Nous l’avons dit souvent, et nous ne craignons pas de répéter ce qu’il vous est bon de retenir, c’est que Notre-Seigneur Jésus-Christ parle souvent en son propre nom, c’est-à-dire en qualité de chef, et souvent encore il parle dans la personne de ses membres, c’est-à-dire de nous-mêmes et de sa sainte Eglise; de telle sorte néanmoins qu’une seule personne semble parler, afin de nous faire comprendre que la tête et les membres subsistent dans une parfaite unité, et qu’ils sont inséparables; telle est l’union dont il est dit : « Ils seront deux dans une même chair1 ». Si donc nous reconnaissons qu’il n’y a pour deux qu’une même chair, n’attribuons aux deux qu’une même voix. Commençons notre discours par ce verset que nous avons chanté, en répondant au lecteur, bien qu’il soit tiré du milieu du psaume : « Mes ennemis m’outragent dans leurs discours; ils s’écrient: Quand mourra-t-il? Quand périra son nom2? » C’est Notre-Seigneur Jésus-Christ qui parle; mais voyez si l’on ne peut pas l’entendre aussi des membres. Cela fut dit quand Notre-Seigneur vivait encore sur la terre dans une chair mortelle. Les Juifs en effet voyaient la multitude accepter son autorité, ainsi que sa majesté et sa divinité qui éclataient dans ses miracles; alors, stigmatisés par la parabole de ceux qui avaient dit : « Voici l’héritier, venez, tuons-le, et l’héritage sera pour nous3 » ; ils dirent en eux-mêmes, c’est-à-dire entre eux, ce mot fameux du grand-prêtre Caïphe: « Vous voyez qu’il est suivi d’une grande foule, que le monde court après lui; si nous le laissons vivre, les Romains viendront nous exterminer, nous et notre ville. Il est bon qu’un homme meure pour le peuple, et non que toute la nation périsse ». Or, l’Evangéliste ajoute à ces paroles d’un homme qui ne savait ce qu’il disait: « Il ne parlait pas ainsi de lui-même; mais, étant pontife cette année, il prophétisa que Jésus-Christ devait mourir pour le peuple et pour la nation4 ». Et néanmoins, à la vue du peuple qui le suivait, ils dirent : « Quand mourra-t-il, quand périra son nom?» c’est-à-dire, quand nous l’aurons fait mourir, son nom n’existera plus sur la terre, et une fois mort, il ne séduira plus personne; sa mort seule fera comprendre aux hommes qu’ils ne suivaient qu’un homme et qu’il n’ avait en lui aucune espérance de salut; ils abandonneront son nom et il ne subsistera plus. Il est donc mort, mais son nom n’a point péri, il s’est répandu par toute la terre ; il est mort, mais c’était le grain de froment qui doit mourir pour faire surgir une abondante moisson5. Lors donc que Notre-Seigneur Jésus-Christ fut glorifié, les hommes crurent en lui plus que jamais et en plus grand nombre; et les membres entendirent le langage que le chef avait entendu. Le Seigneur était remonté lins les cieux et souffrait encore en nous sur la terre, lorsque ses ennemis dirent: « Quand mourra-t-il et quand périra son nom? » De là viennent les persécutions que Satan souleva contre l’Eglise pour perdre le nom du Christ. Ne croyez pas en effet, mes frères, que les païens qui sévissaient contre les chrétiens, ne se proposaient pas d’effacer de la terre le nom du Christ. C’est pour tuer le Christ, non plus dans le chef, mais dans les membres, que l’on égorgea les martyrs. Or, l’effusion de ce sang précieux servit à multiplier les membres l’Eglise, et la mort des martyrs fut ajoutée à cette semence divine. La mort de ses justes précieuse devant le Seigneur6. Les chrétiens allèrent donc chaque jour se multipliant, et ce souhait de leurs ennemis . « Quand mourra-t-il, quand périra son nom? » ne fut pas accompli. On le fait encore aujourd’hui. On voit les païens se réunir, compter les années, prêter l’oreille au dire de certains fanatiques : Un jour viendra qu’il n’y aura plus de chrétiens7; le culte de nos idoles sera rétabli comme auparavant. Ils disent encore : « Quand mourra-t-il, quand périra son nom? » Deux fois vaincus, soyez donc sages pour la troisième : le Christ est mort, et son nom n’a point disparu; les martyrs sont morts, et l’Eglise s’en accroît davantage, et le nom du Christ se répand dans toutes les nations; lui qui a prédit sa mort et sa résurrection, qui a prédit la mort et le couronnement des martyrs, a prédit aussi ce qui doit arriver à son Eglise. S’il a dit vrai deux fois, aura-t-il menti la troisième? Vous n’avez donc contre lui qu’une fausse opinion; mieux vaudrait pour vous croire en lui, « afin de comprendre sa pauvreté, son indigence8; car de riche qu’il était, il s’est fait pauvre, afin que vous fussiez enrichis de sa pauvreté9 », dit saint Paul. Cette pauvreté est pour lui une cause de mépris, et l’on dit: C’était un homme. Que pouvait-il être? Il est mort, il a été crucifié : vous rendez un culte à un homme, vous mettez votre espoir dans un homme, vous adorez un mort. Erreur. Comprends donc, ô mon frère, ce pauvre, cet indigent , afin que sa pauvreté t’enrichisse. Comprends-tu le pauvre et l’indigent? Sais-tu bien que c’est le Christ lui-même qui est ce pauvre, cet indigent d’un autre psaume : « Pour moi, je suis pauvre, je suis indigent, mais le Seigneur a pris soin de moi10? » Qu’est-ce que comprendre le pauvre et l’indigent? C’est comprendre « qu’il s’est anéanti, prenant la forme d’un esclave, se rendant semblable aux autres hommes, reconnu homme par ses dehors »; lui qui était riche devant son Père, pauvre à nos yeux; riche dans le ciel, pauvre sur la terre; riche parce qu’il était Dieu, pauvre parce qu’il était homme. Ton trouble viendrait-il de ce que tu vois un homme, tu vois une chair, tu envisages sa mort, tu persifles sa croix? C’est là ton trouble? Comprends donc ce pauvre, cet indigent. Qu’est-ce à dire? Comprends que, dans cette infirmité que tu vois, il y a une divinité cachée; qu’il est riche, parce qu’il l’est de lui-même; qu’il est pauvre, parce que tu l’étais. Sa pauvreté néanmoins fait notre richesse, comme son infirmité fait notre force, comme sa folie fait notre sagesse, comme sa nature mortelle fait notre immortalité11. Considère quel est ce pauvre, n’en juge point par la pauvreté des autres. Il est venu enrichir les pauvres, lui qui s’est fait pauvre. Ouvre donc le giron de ta foi, et reçois-y ce pauvre pour ne pas demeurer dans ta pauvreté.


  1. Gen. II, 24; Eph. V, 31.  ↩

  2. Ps, XL, 6. ↩

  3. Matt. XXI, 38.  ↩

  4. Jean, XI, 47-51.  ↩

  5. Jean, XII, 25. ↩

  6. Ps. CXV, 15.  ↩

  7. Saint Augustin nous dit, dans la Cité de Dieu (liv. XVIII, chap. XXXV), que les païens voyant que des persécutions et si nombreuses n’avaient pu mettre fin à la religion chrétienne, mais qu’elle y puisait même une force merveilleuse d’accroissement, inventèrent je ne sais quels vers grecs, formant la réponse des oracles à une consultation, et qui attribuent à saint Pierre d’avoir usé de maléfices pour faire adorer le Christ pendant 365 ans après lesquels ce culte devait immédiatement disparaître. Mais si l’on part de la première prédication de saint Pierre à la Pentecôte, ce nombre d’années doit échoir à la 399e du Christ; et ce culte est si loin de disparaître, qu’il renverse au contraire ce qui des temples des Dieux, qu’il brise les idoles, et règne glorieusement. (Cité de Dieu, liv. XVIII, chap. LIV.)  ↩

  8. Ps. XL, 10.  ↩

  9. II Cor. VIII, 9. ↩

  10. Ps. XXXIX, 18.  ↩

  11. I Cor, I, 30.  ↩

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