13.
« Le Seigneur s’est souvenu d’eux, en recherchant leur sang répandu (Id. 13 )». Comme si les Apôtres, envoyés porter l’Evangile aux peuples, répondaient à cette injonction: « Publiez ses merveilles parmi les peuples », et disaient : « Seigneur, qui pourra croire à notre parole (Isa. LIII, 1 )? » et: « Chaque jour, votre amour nous fait égorger ? ». Le Prophète a raison d’ajouter que pour les chrétiens persécutés, le fruit de la mort sera la grande acquisition de l’éternité : « Parce que le Seigneur se souvient d’eux et venge leur sang ». Mais pourquoi le Prophète a-t-il choisi de préférence cette expression : « Leur sang ? » Répondrait-il à cette question que pourrait lui faire un homme ignorant et faible dans la foi: « Comment prêcheront-ils chez ces infidèles qui doivent les égorger (Ps. XLIII, 22 )? » et dirait-il : « Le Seigneur se souviendra d’eux, et vengera leur sang », c’est-à-dire, viendra le dernier jugement pour mettre à découvert la gloire des victimes et le châtiment des bourreaux? Car nul n’entendra cette expression: « Dieu s’est souvenu d’eux », comme s’il avait pu les oublier; mais parce que le dernier jugement ne doit arriver qu’après un long espace de temps, le Prophète s’accommode au langage des hommes faibles, qui s’imaginent que Dieu oublie, parce qu’il agit avec plus de lenteur qu’eux-mêmes ne voudraient. C’est pour eux encore qu’il est dit plus bas : « Il n’a point oublié le cri des pauvres (Ps. IX, 13 ) » c’est-à-dire, il n’a point oublié, comme vous le pensez; et comme si, après avoir entendu ce mot : « Il s’est souvenu », ils disaient: « Il avait donc oublié»: «Non», dit le Prophète, «il n’oublie point le cri du pauvre».