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Œuvres Augustin d'Hippone (354-430) Discours sur les Psaumes
DISCOURS SUR LE PSAUME LXXX.

14.

Beaucoup d’hérétiques, à l’instar des païens, se sont fait eux-mêmes des dieux de toutes sortes, se sont formé des idoles étrangères ; et s’ils ne les ont point placées dans leurs temples, ils ont fait pire en les élevant dans leurs coeurs, et en se faisant eux-mêmes les temples de divinités ridicules et mensongères, C’est une oeuvre importante que briser ces idoles, et préparer en nous-mêmes un sanctuaire au Dieu vivant, et non de fraîche date. Tous ces hérétiques, différents d’opinions, se font aussi des divinités différentes ; ils déchirent par l’erreur le symbole de la foi, et semblent se combattre, tandis qu’ils ne s’écartent point des pensées terrestres, et que dans ces pensées terrestres ils sont tous d’accord. L’opinion varie, la vanité est la même. C’est d’eux qu’il est dit dans un autre psaume: « Ils se sont liés par la vanité1 ». Divisés par la diversité de leurs erreurs, ils s’accordent néanmoins dans une même vanité. Or, vous le savez, la vanité doit être en arrière, dans l’oubli. Aussi l’Apôtre, oubliant ce qui est en arrière, c’est-à-dire la vanité, pour s’avancer vers ce qui est devant lui, ou la vérité, s’efforce de remporter la palme à laquelle Dieu l’a appelé d’en haut par Notre-Seigneur Jésus-Christ2. Quoique ces hommes soient donc divisés en apparence, ils sont trop d’accord pour leur malheur. C’est dans ce sens que Samson attacha les renards par la queue3. Le renard avec ses artifices est le symbole des hérétiques, pleins de ruse et de fourberie, se cachant, pour mieux tromper, dans des tanières aux mille détours, et qui suffoquent par heur puanteur. C’est contre cette puanteur que saint Paul a dit : « Nous sommes en tout lieu la bonne odeur de Jésus-Christ4 ». C’est encore de ces renards qu’il est dit dans les cantiques: « Prenez-nous ces petits renards qui ravagent les vignes, et qui se dérobent dans des cavernes tortueuses ». «Prenez-les pour nous », donnez-leur notre conviction ; car c’est prendre un homme que le convaincre d’erreur. Des renardeaux contredisaient un jour le Sauveur, et lui disaient : « Par quel pouvoir faites-vous ces miracles ; et vous », leur dit-il, « répondez-moi un seul mot: d’où vient le baptême de Jean? Du ciel ou des hommes?» Dans les tanières des renards il y a ordinairement une entrée et une sortie : or, voilà que le chasseur a placé ses piéges sur chacune de ces issues. « Dites-moi : vient-il du ciel ou des hommes ? » Ils comprennent que le piège est tendu de part et d’autre ; et ils se disent en eux-mêmes: « Si nous répondons qu’il vient du ciel, il nous dira : Pourquoi donc n’avez-vous point cru en lui ? » Car Jean a rendu témoignage au Christ. « Si nous disons qu’il vient de la terre, le peuple nous lapidera, car on le regarde comme un Prophète5 ». Flairant donc le piège qui les menaçait de part et d’autre, ils répondirent : « Nous n’en savons rien ». Et le Seigneur :

« Ni moi non plus, je ne vous dis point par quel pouvoir j’opère ces merveilles6 » . Vous alléguez l’ignorance quand vous savez, et moi je ne vous enseigne point cc que vous cherchez. Vous n’avez osé sortir dans aucune direction, et vous êtes demeurés dans vos ténèbres. Obéissons donc, nous aussi, à cette injonction du Verbe de Dieu : « Prenez ces renardeaux qui ravagent nos vignes ». Voyons si nous pourrons en prendre quelques uns : plaçons nos piéges sur chaque entrée du terrier, afin que le renard soit pris, quelque route qu’il suive. Ainsi le Manichéen se fait un dieu nouveau; il adore dans son coeur ce qui ne fut jamais; posons-lui cette question: La substance divine est-elle corruptible ou incorruptible? Prenez le parti que vous voudrez, l’issue qui vous plaira ; mais vous n’échapperez point : si vous dites qu’elle est corruptible, vous serez lapidés, non par le peuple, mais bien par vous-mêmes. Si vous dites que Dieu est incorruptible, comment l’incorruptible peut-il redouter le peuple des ténèbres? Que peut faire une race corruptible à celui qui ne l’est pas? Que pouvez-vous répondre, sinon : « Nous ne savons ? » Or, si vous répondez ainsi, non par fourberie, mais bien par ignorance, ne demeurez point dans les ténèbres ; que le renard se change en brebis, qu’il croie au Dieu invisible, incorruptible, au Dieu qui n’est point nouveau; au Dieu seul, et non au Dieu soleil, car n’allons pas ouvrir un autre terrier au renard qui s’enfuit. Et toutefois nous ne redoutons point le nom de soleil, car il est dit dans nos saintes Ecritures, qu’il est « un soleil de justice, et que la santé est sous ses ailes7 ». On cherche dans l’ombre un abri contre l’ardeur de ce soleil, on se retire sous ses ailes pour se défendre de ses feux : la santé est sous ses ailes. Tel est le soleil qui fera dire aux méchants : « Nous nous sommes donc égarés du sentier de la vérité, et la lumière de la justice n’a pas lui à nos yeux, le soleil ne s’est point levé pour nous8 ». Ces adorateurs du soleil diront : « Le soleil ne s’est point levé pour nous9 » : puisqu’en adorant ce soleil que Dieu fait lever sur les bons et sur les méchants, ils n’ont point fait lever sur eux ce soleil qui éclaire les bons. Chacun d’eux se fait donc, à sa fantaisie, un Dieu récent. Qui empêchera un coeur erroné de se faire des fantômes à sa guise ? Ils sont donc tous des renards liés par la queue, c’est-à-dire qu’ils s’accordent dans une même vanité. De là vient que notre Samson, qui en hébreu signifie leur soleil, ou le soleil de ceux qu’il éclaire, et non de tous, commue celui qui se lève sur les bons et sur les méchants, mais le soleil de quelques-uns, le soleil de justice, car il figurait le Christ, attacha les renards par la queue, comme je commençais à vous le dire, et y mit une torche enflammée : ce feu devait porter l’incendie, mais dans les moissons des étrangers. Donc les hérétiques, d’accord dans des enseignements postérieurs et comme liés par la queue, traînent après eux une torche incendiaire, mais sans force pour nos moissons. « Le Seigneur, en effet, connaît ceux qui sont à lui, et tout homme qui invoque le nom du Seigneur, doit se retirer de l’iniquité. Or, dans un grand palais, il y a non-seulement des vases d’argent et d’or, mais aussi des vases de bois et d’argile ; les uns sont en honneur, les autres méprisés. Si donc un homme se préserve de toute impureté, il sera un vase d’honneur, utile au Seigneur, et préparé pour toutes sortes de bonnes œuvres10 » ; et dès lors il ne craindra ni la queue des renards, ni leurs torches enflammées. Mais revenons à notre psaume. « Si tu m’écoutes », dit le Prophète, « il n’y aura en toi aucun Dieu nouveau ». Ce qui m’étonne, c’est que le Prophète ait dit : « En toi », in te, et non pas, a te, de ta façon, comme si l’idole était quelque chose d’extérieur à l’homme : mais « en toi »dans ton coeur, dans le travail de ton imagination, dans l’erreur qui t’égare, tu porteras avec toi ton Dieu nouveau, en demeurant dans le vieil homme. « Si donc tu veux m’écouter, moi », dit le Prophète, « parce que je suis celui qui suis , il n’y aura en toi aucun Dieu nouveau; et tu n’adoreras point un Dieu étranger ». Si ce Dieu étranger n’est point en toi, «tu ne l’adoreras point». Si quelque faux dieu n’aborde point ta pensée, tu n’adoreras point un Dieu forgé par les hommes: « Il n’y aura en toi aucun Dieu nouveau ». 11 12


  1. Ps. LXI, 10. ↩

  2. Philipp. III, 13, 14. ↩

  3. Juges, XV, 4. ↩

  4. II Cor. II, I5.  ↩

  5. Cant. II, 15. ↩

  6. Matth. XXI, 23-27 ; Luc, X, 2, etc.  ↩

  7. Malach. IV, 2.  ↩

  8. Sag. V, 6.  ↩

  9. Matth. V, 45. ↩

  10. II Tim. II, 19-21.  ↩

  11. Exod. III, 14. ↩

  12. Juges, XV, 4.  ↩

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