7.
Tu l’as entendu gémir sur le pressoir: « Mon âme aspire au parvis du Seigneur, elle a défailli » : vois, maintenant, cette joie de l’espérance qui le soutient : « Mon coeur et ma chair ont tressailli vers le Dieu vivant». Ici-bas ils ont tressailli pour le ciel. D’où vient cette allégresse, sinon de l’espérance? Pour qui tressaillir ? « Pour le Dieu vivant ». Qu’est-ce qui tressaille en vous, ô Prophète? « Mon coeur et ma chair ». Pourquoi ce tressaillement? c’est que « le passereau a trouvé « une demeure pour lui, comme la tourterelle « un nid, où elle placera ses petits1 ». Qu’est-ce à dire? Deux objets tressaillent, selon lui, et dans la comparaison il montre encore deux oiseaux; c’est son coeur qui tressaille ainsi que sa chair, double objet qu’il nous ramène dans le passereau et dans la tourterelle; le passereau serait l’image de son coeur, et la tourterelle de sa chair. Le passereau a trouvé une demeure pour lui, mon coeur a trouvé un abri. Il exerce ici-bas ses ailes, dans les vertus de cette vie, dans la foi, dans l’espérance et dans la charité, pour s’élever ensuite dans sa maison; et quand il y sera arrivé, il y demeurera, et alors il n’aura plus cette voix plaintive qu’il a sur la terre. Car il se plaint, ce passereau dont le Prophète a dit ailleurs : «Comme le passereau solitaire sur un toit2 ». Du toit il vole vers son asile; qu’il soit sur le toit, qu’il foule aux pieds cette maison charnelle, il aura dans le ciel une maison pour l’éternité ; et alors finiront ses plaintes. La tourterelle, selon le Prophète, a des petits, c’est-à-dire une chair. « La tourterelle a trouvé un nid pour y mettre ses petits». Au passereau une demeure, à la tourterelle un nid, et un nid où elle déposera ses petits. Dans une maison on demeure toujours; dans un nid, pendant un temps. Notre coeur s’élève à Dieu par la pensée, comme le passereau qui vole vers sa demeure de notre chair viennent les bonnes oeuvres. Voyez, en effet, pour quelle part entre la chair dans les bonnes oeuvres des saints. C’est par elle que nous accomplissons les oeuvres qui nous sont prescrites, et soulagent en cette vie : « Partage ton pain avec celui qui a faim, reçois sous ton toit le pauvre sans asile, et si tu vois un homme nu, couvre-le3 » : ainsi des autres préceptes que nous n’accomplissons qu’au moyen du corps. Ce passereau, dès lors, qui songe à sa demeure, se tient uni à la tourterelle qui se cherche un nid où elle placera ses petits; car elle ne les place pas d’une manière indifférente, mais elle cherche un nid pour les placer. Mes frères, vous comprenez mes paroles: combien en est-il hors de l’Eglise qui paraissent faire de bonnes oeuvres: combien parmi les païens nourrissent l’affamé, revêtent celui qui est nu, reçoivent l’étranger, visitent le malade, consolent le prisonnier? Combien font toutes ces oeuvres? C’est la tourterelle qui devient mère, mais qui ne trouve point de nid pour ses petits. Combien d’hérétiques qui font de bonnes oeuvres en dehors de l’Eglise, n’ont point de nid pour leur couvée? Ils seront écrasés, foulés aux pieds; on n’en prendra aucun soin, ils périront. C’est de cette chair qui produit, que saint Paul a dit en figure : «Adam ne fut point séduit, mais la femme fut séduite4 ». Adam accéda aux désirs de la femme qu’avait séduite le serpent5. Et maintenant une pensée déréglée ne saurait tout d’abord que stimuler vos désirs; que votre âme y consente, et le passereau tombe: mais si vous surmontez les désirs de la chair, vos membres sont astreints aux bonnes oeuvres, et la concupiscence est désarmée; et la tourterelle voit éclore ses petits. Aussi que dit l’Apôtre au même endroit? « Elle sera sauvée par les enfants qu’elle mettra au monde6». Une veuve sans enfants ne serait-elle point plus heureuse de persévérer dans cet état7? ne serait-elle pas sauvée parce qu’elle n’aurait point eu d’enfants? Une vierge, consacrée à Dieu, n’est-elle point plus parfaite? ne sera-t-elle point sauvée parce qu’elle n’aura point eu d’enfants? n’est-elle point le partage du Seigneur? Ainsi donc une femme, qui est ici la figure de la chair, sera sauvée par les enfants qu’elle mettra au monde, c’est-à-dire par ses bonnes oeuvres. Mais que la tourterelle ne choisisse pas indifféremment le nid où elle déposera ses petits ; qu’elle n’enfante ses bonnes oeuvres que dans la véritable foi, que dans la foi catholique, dans la société, dans l’unité de l’Eglise. Aussi l’Apôtre, après avoir dit : « Elle sera sauvée par les fils qu’elle mettra au monde », a-t-il ajouté : « Si elle demeure dans la foi, dans la charité, dans la sainteté, et dans une vie de tempérance8». Si donc tu demeures dans la foi, cette foi sera le nid où reposeront tes petits. Dieu même, pour s’accommoder à la faiblesse des petits de votre tourterelle, a daigné vous préparer un endroit pour votre nid : il s’est. revêtu de votre chair, qui est une herbe, afin de venir à vous. C’est dans cette croyance qu’il faut mettre vos petits, dans ce nid qu’il faut faire vos bonnes oeuvres. Quels sont ces, nids, ou plutôt quel est ce nid? Le Prophète répond : « Vos autels, ô Dieu des vertus ». Et après avoir dit: « La tourterelle a trouvé un nid où elle déposera ses petits » ; comme si tu demandais: Quel nid? « Vos autels », dit le Prophète, «vos autels, ô Dieu des vertus, ô mon Dieu, ô mon Roi ». Qu’est-ce à dire, « ô mon Roi, ô mon Dieu? » Vous qui me gouvernez, qui m’avez créé.