19.
Si donc vous voulez par l’intelligence vous élever jusqu’au ciel, à ce pavillon que Dieu a déployé, si Dieu fait monter cette intelligence au-dessus des nuées ; cette nuée qui vous parle est impuissante à vous expliquer aujourd’hui tant de choses. Epargnez sinon votre faiblesse, du moins la mienne. L’avidité que vous témoignez me fait croire que vous seriez toujours prêts; mais il est ici deux points que nous ne saurions dédaigner, notre faiblesse corporelle, et le souvenir de ce que nous expliquons, voilà ce qui est à considérer. En attendant, réfléchissez à ce que vous avez entendu. Qu’ai-je dit? Digérez votre nourriture, et vous serez ainsi des animaux purs, propres aux festins du Seigneur. Remarquez par vos oeuvres le fruit que vous recueillez ; car c’est mal digérer que bien entendre, et ne pas bien faire; et Dieu ne cesse de nous donner une nourriture solide. Or, chacun sait que nous rendrons compte du pair! que nous avons reçu, et que nous distribuons. Votre charité le sait très-bien, l’Ecriture n’est pas sans nous en avertir, et Dieu ne nous flatte point. Voyez avec quelle liberté nous vous parlons, du lieu où nous sommes: et quand moi-même, quand ceux qui vous parlent de ce lieu serions moins libres, la parole de Dieu ne redoute personne. Pour nous, que nous soyons sous le coup de la crainte, ou en pleine liberté, nous devons prêcher Celui qui ne craint personne. C’est une grâce qui vous vient de Dieu et non des hommes, que vous entendiez cette parole si libre par la bouche d’hommes qui sont timides. Au jugement de Dieu, vous n’aurez aucune excuse, si vous ne vous appliquez à l’exercice des bonnes oeuvres, et ne portez un fruit proportionné aux paroles que nous répandons sur vous comme une pluie céleste. Ce fruit proportionné consiste dans les bonnes oeuvres: ce fruit proportionné est un amour sincère non-seulement de vos frères, mais aussi de vos ennemis. Ne méprise aucun suppliant ; et si tu ne peux lui donner ce qu’il te demande, au moins, ne le méprise pas. Si tu peux le lui donner, donne-le ; si tu ne le peux, sois du moins affable. Dieu couronne la volonté intérieure, quand il ne voit pas en nous le pouvoir. Que nul ne dise : je n’ai rien. Ce n’est point d’un coffre que la charité tire ce qu’elle donne : mais tout ce que nous disons, tout ce que nous avons dit, tout ce que nous pouvons dire encore, ou nous, ou ceux qui viendront après nous, ou ceux qui nous ont précédé, tout cela n’a d’autre but que la charité car la fin de la loi c’est la charité émanant d’un coeur pur, d’une conscience irréprochable, d’une foi sans feinte1. En priant Dieu, interrogez vos coeurs, et voyez comment vous récitez ce verset: « Pardonnez-nous nos offenses, comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés2». On ne prie point, si l’on ne fait cette prière; Dieu n’exauce point, si l’on récite une autre prière, parce qu’elle ne nous a pas été enseignée par le jurisconsulte qu’il nous a envoyé. Il faut donc nécessairement que toutes les paroles que nous ajoutons, soient réglées sur cette prière, et qu’en récitant les paroles, nous comprenions ce que nous disons, parce que Dieu a voulu la rendre claire. Si donc vous ne priez point, vous n’avez point l’espérance; si vous priez autrement que le maître a enseigné, vous ne serez point exaucés; et si vous mentez en priant, vous n’obtiendrez point. Il faut donc prier, et en priant dire vrai, et prier comme Dieu nous a enseigné. Bon gré, malgré, il te faut dire tous les jours: « Pardonnez-nous nos offenses comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés ». Et veux-tu le dire en toute sûreté ? Crois alors ce que tu dis.