8.
Il y a toutefois, pour les hommes, dans nos demeures terrestres, des délices et des joies bien diverses ; et chacun veut choisir pour l’habiter le lieu où rien ne blessera son âme, et où elle trouvera de nombreux agréments ; que ces agréments disparaissent et l’homme cherche ailleurs. Ayons la curiosité de demander au psalmiste, et qu’il veuille bien nous dire ce qu’il doit faire, ce que nous ferons avec lui, dans cette agréable demeure où il désire, où il souhaite si vivement, où il demande comme grâce unique au Seigneur d’habiter tous les jours de sa vie. Que faites-vous là, dites-moi? quel est l’objet de vos désirs? Ecoutez sa réponse : « C’est de contempler la beauté du Seigneur 1 ». C’est là ce que je désire, et voilà pourquoi je veux habiter dans la maison du Seigneur, tous les jours de ma vie. Spectacle immense, contempler la beauté du Seigneur même! Quand la nuit d’ici-bas sera écoulée, il veut se reposer à la lumière de Dieu. Notre nuit sera passée alors, et le matin se lèvera pour nous. Aussi est-il dit dans un autre psaume : « Au matin je serai debout, et je vous contemplerai 2 » .Maintenant que je suis tombé, je ne puis vous contempler; mais alors je me tiendrai debout et je vous contemplerai. C’est l’homme qui parle ainsi, car c’est l’homme qui est tombé, et si nous ne fussions tombés, le Messie ne serait point venu pour nous relever. Nous sommes donc tombés, et il est descendu. Il est remonté, et nous sommes relevés: « Car nul ne peut remonter, si d’abord il n’est descendu 3». Celui qui était tombé est relevé, celui qui était descendu est remonté. S’il est remonté seul, n’allons point nous décourager. Car il n’est descendu que pou-r nous relever; et alors nous nous tiendrons debout, et nous contemplerons, et nous serons comblés de joie. Voilà tout ce que j’ai dit, et vous vous récriez sous le poids du désir de cette beauté que vous ne voyez pas encore. Elevez votre coeur au-dessus de tout ce qui vous est ordinaire, élevez votre intelligence au-dessus de toutes ces pensées Charnelles, qui vous viennent des convoitises du corps, et qui vous représentent je ne sais quels fantômes. Bannissez tout de votre esprit, renoncez à tout ce qui se présentera, et confessant la faiblesse de votre coeur, dites à propos de toute pensée qui vous viendra dans l’esprit : Ce n’est point cela; si c’était là ce que l’on me promet, il ne me viendrait point à la pensée. De cette manière, vous aspirez à quelque bien. Quel bien? Le bien de tout bien, d’où découlent tous les biens, et auquel on ne peut rien ajouter de bien. Partout ailleurs, tu diras un homme de bien, une bonne terre, un bon édifice, un bon animal, un bon arbre, une bonne santé, un bon naturel, tu ajoutes à la qualité de bien; mais ici, c’est le bien simplement, le bien d’où vient à tout le reste la bonté, le bien d’où découlent tous les autres biens: telle est la beauté du Seigneur que nous contemplerons. Voyez, mes frères: si tout ce que l’on appelle ici-bas des biens, a pour nous des charmes; si nous sommes épris d’un bien qui n’est pas le bien par lui-même; car tout ce qui est mobile n’est pas par lui-même un bien; jugez quel sera le charme du beau immuable, éternel, et demeurant toujours le même. Car ce que l’on appelle ici-bas des biens, n’aurait pour nous aucun attrait , s’il n’avait réellement quelque chose de bien; et il n’y aurait là rien de bien, s’il ne découlait de celui qui est simplement le bien.