7.
Qu’est-ce donc, mes frères? Quels sont les hommes heureux? Ce ne sont point les hommes en qui Dieu ne trouve aucun péché; car il en trouve chez tous les hommes:
« Puisque tous ni péché, tous ont besoin de la « gloire de Dieu1 ». Si donc on trouve des fautes chez tous les hommes, il ne reste d’heureux, que ceux dont les péchés sont pardonnés. C’est ce que nous insinue l’Apôtre en ces termes: « Abraham crut à Dieu, et sa foi lui fut imputée à justice2 ». Mais la récompense que l’on donne à celui qui travaille, qui compte sur ses oeuvres, qui attribue à leur mérite la foi qui lui a été donnée, cette récompense ne lui est pas imputée comme une grâce, mais comme une dette. Qu’est-ce à dire, sinon que notre récompense prend le nom de grâce? Si c’est une grâce, elle est donnée gratuitement. Qu’est-ce à dire qu’elle est donnée gratuitement? Qu’elle ne coûte rien. Tu n’as fait aucun bien, et tes péchés te sont remis. On cherche tes oeuvres, et l’on n’en trouve que de mauvaises. Si Dieu rendait à ces oeuvres selon leur valeur, il te damnerait: « Car la mort est la solde du péché3 » Que doit-on aux oeuvres mauvaises ? la damnation ; et aux bonnes oeuvres ? le ciel. Mais toi que l’on trouve dans les oeuvres mauvaises, pour te rendre ce qui t’est dû, il faudrait te punir. Qu’arrive-t-il donc? Sans t’infliger la peine que ta mérites, le Seigneur t’accorde la grâce que tu ne mérites point. Il te devait le châtiment, il t’accorde le pardon. Ainsi c’est parle pardon que tu commences à être dans la foi; et cette foi, s’unissant à l’espérance et à la charité, commence à faire le bien : et néanmoins, garde-toi de te glorifier, de t’élever en toi-même; souviens-toi de celui qui t’a mis dans le bon chemin; souviens-toi qu’avec des pieds forts et agiles tu n’en étais pas moins égaré : n’oublie jamais que, languissant, et laissé à demi mort sur la voie, tu as été mis sur le cheval du samaritain, pour être conduit à l’hôtellerie4 . « La récompense que l’on donne à celui qui travaille»,dit saint Paul, « ne lui est pas imputée comme une grâce, mais comme une dette5 ». Si donc tu ne veux aucune part à la grâce, fais valoir tes mérites. quant à Dieu, il voit ce qui est en toi, il sait ce qui est dû à chacun. « Pour l’homme qui ne fait aucune oeuvre6», poursuit saint Paul, prends donc un impie, un pécheur; celui-là ne fait aucune oeuvre. Que fait-il? « Mais qui croit en celui qui justifie l’impie». Dès lors qu’il ne fait aucune bonne oeuvre, il est un impie; et quand même il paraîtrait faire le bien, comme il est sans la foi, ses oeuvres ne peuvent s’appeler bonnes. « Mais il croit en celui qui justifie l’impie, sa foi lui est imputée à justice. C’est ainsi que David a chanté le bonheur de celui à qui le Seigneur impute la justice sans les œuvres7». Mais quelle est cette justice? Celle de la foi que n’ont point précédée, mais que vont suivre les bonnes oeuvres.