8.
« Mon oeil s’est troublé dans la colère (Id. 8 ) » : est-ce dans sa propre colère, ou cette colère de Dieu par laquelle il a demandé de n’être ni accusé ni repris? Mais si la colère de Dieu signifie le jugement, comment l’entendre dès cette vie? Ou cette colère commencerait dès cette vie, dans les douleurs et les maux des hommes, et surtout dans leur impuissance à comprendre la vérité, selon le mot de saint Paul cité plus haut: « Dieu les a livrés au sens réprouvé (Rom. I, 28 ) ». Tel est en effet l’aveuglement de l’esprit, que tout homme dans cet état se trouve privé de toute lumière intérieure de Dieu, mais pas absolument, tant que dure cette vie. Car il y a des ténèbres extérieures « qui sont réservées plus spécialement au jour du jugement, et qui éloigneront complètement de Dieu quiconque aura négligé de se corriger ici-bas. Mais être complètement en dehors de Dieu, qu’est-ce autre chose que l’aveuglement complet? Car Dieu habite une lumière inaccessible (I Tim. VI, 16 ), et dans laquelle entreront ceux qu’il invitera, en disant: « Entrez dans la joie de votre Seigneur (Matt. XXV, 21, 22 ) ». Cette colère commence donc dès cette vie à peser sur tout pécheur. La crainte du dernier jugement arrache au Prophète des gémissements et des larmes; il craint d’arriver à cette colère dont le commencement lui est déjà si douloureux; aussi ne dit-il pas que « son oeil s’est éteint », mais « qu’il a été troublé par cette colère ». Rien ne nous étonnerait encore s’il disait que son oeil a été troublé par sa propre colère; c’est peut-être en ce sens qu’il est dit: « Que le soleil ne se couche point sur votre colère (Ephés. IV, 26 ) » parce que l’âme, dans ce trouble, ne pouvant voir Dieu, s’imagine que cette sagesse divine, ce soleil intérieur est en quelque sorte couché pour elle.