6.
« Les justes verront, ils craindront, ils espéreront dans le Seigneur ». Les justes verront. Quels justes? Les croyants. « Car le juste vit de la foi1». Tel est l’ordre qui règne dans l’Eglise: les uns précèdent, les autres suivent; ceux qui précèdent servent de modèles à ceux qui viennent après: et ceux qui suivent prennent exemple sur ceux qui précèdent. Mais ceux qui se donnent en exemple à ceux qui les suivent, n’ont-ils donc point de guide? S’ils ne suivent personne, ils vont s’égarer. Ils suivent donc aussi un guide, qui est le Christ. Les plus saints dans l’Eglise, n’ayant aucun homme à imiter sur la terre, parce qu’ils ont devancé tous les autres, ont toujours à imiter le Christ, qu’ils suivront jusqu’à la fin. Et vous voyez ces degrés marqués par l’apôtre saint Paul: « Soyez mes imitateurs, comme je le suis du Christ2 ». Que ceux alors dont les démarches sont redressées sur la pierre, servent de modèle à ceux qui ont la foi. « Soyez », dit-il, « l’exemple des fidèles3 ». Ces fidèles sont les justes qui, s’attachant du regard à ceux qui les ont précédés dans le bien, les suivent en les imitant. Comment les suivent-ils? « Les justes verront et ils craindront ». Ils verront, et ils craindront de suivre une fausse voie, quand ils verront que les plus saints marchent dans la bonne. Alors ils diront en eux-mêmes ce que disent ordinairement les voyageurs, quand ils en voient d’autres marcher hardiment, marcher dans un chemin qu’eux-mêmes ne connaissent pas, et qui leur laisse quelque incertitude: Ce n’est pas en vain, se disent-ils, que ces autres prennent ce chemin pour aller où je veux aller moi-même. Pourquoi marchent-ils résolument par cet endroit, sinon parce qu’il est dangereux d’aller par cet autre? « Les justes donc verront, et ils craindront ». Ils voient ici un étroit sentier, là une voie large : ici de rares voyageurs, là une grande foule4. Or, si tu es juste, ne compte pas, mais pèse; apporte-moi une balance, non point une balance trompeuse, puisqu’on t’appelle juste, et qu’on a dit de toi: « Les justes verront et ils craindront ». Garde-toi donc de compter cette foule d’hommes qui marchent - par la voie large, qui vont demain remplir le théâtre, qui célébreront demain la fondation de cette ville et qui la déshonorent par leurs désordres. Ne considère donc point cette foule : elle est nombreuse, qui peut la compter? Mais il y en a peu dans la voie étroite. Apporte-moi, dis-je, une balance, et pèse bien; vois combien de paille tu soulèves pour si peu de grains. C’est là ce que doit faire le juste et le fidèle qui suit. Que feront ceux qui précèdent? Ils seront sans orgueil, sans hauteur, sans fraude pour ceux qui suivent. Comment pourraient-ils tromper ceux qui suivent? En leur promettant de les sauver par eux-mêmes. Que devront faire ceux qui suivent? « Les justes verront, et ils craindront, et ils espéreront dans le Seigneur », et non dans ceux qui les précèdent; en considérant ceux qui marchent devant eux, ils les suivent à la vérité, ils les imitent, mais ils attachent leur pensée sur celui qui a donné à ceux-ci la grâce de les précéder, et ils espèrent en lui. Alors, tout en les imitant, ils mettent leur espérance dans celui qui a fait ceux-ci tels qu’ils sont. « Les justes verront, et ils craindront, et ils espéreront dans le Seigneur » : c’est encore ce qui est dit dans un autre psaume: « J’ai levé les yeux vers les montagnes5 » ; et par ces montagnes nous avons entendu les hommes illustres, les grands hommes de la vie spirituelle, qui ont acquis dans l’Eglise, non l’enflure, mais une grandeur solide. Ce sont eux qui nous ont ouvert les saintes Ecritures, les prophètes, les évangélistes, les saints docteurs. « C’est là, c’est vers ces montagnes que j’ai levé les yeux, et de là me viendra le secours ». Et de peur que nous ne voyions là un secours humain, le Prophète ajoute: « Tout mon secours est dans le Seigneur qui a fait le ciel et la terre6. Les justes verront et ils craindront, et ils mettront leur espoir dans le Seigneur ».