2.
Cependant nous ne pourrions mutuellement supporter nos charges, si nous étions affligés du même genre d'infirmité, et en même temps ; mais la diversité du temps et la variété dans les espèces d'infirmité font qu'on peut remplir ce devoir. Par exemple, tu porteras la colère de ton père, quand tu ne seras point irrité contre lui ; comme lui, à son tour, supportera avec douceur et calme le poids de la tienne, au jour où tu en seras dominé. Ceci se rapporte à la diversité du temps, quand ceux qui se doivent le support mutuel sont sujets à la même infirmité ; il s'agit en effet de la colère des deux côtés. Mais donnons un exemple de faiblesses différentes : quelqu'un a réprimé sa loquacité, mais n'a corrigé son opiniâtreté, tandis qu'un autre; toujours loquace, n'est plus obstiné ; ils doivent supporter charitablement, l'un la loquacité, l'autre l'opiniâtreté de son frère, jusqu'à ce qu'ils soient guéris tous les deux. Mais la même infirmité se produisant chez deux hommes en. même temps, ne peut être l'objet du support mutuel, parce qu'elle devient obstacle pour elle-même. A l'égard d'un tiers, deux hommes irrités peuvent tomber d'accord et se supporter; si tant est qu'on puisse appeler cela support, et non mutuel soulagement. C'est ainsi que deux hommes tristes pour le même sujet, se supportent mieux, s'appuient mieux l'un sur l'autre, que si l'un était triste et l'autre joyeux ; mais s'ils sont la cause de leur mutuelle tristesse, ils ne peuvent plus se supporter. Dans ces sortes d'affections, il faut quelque peu condescendre à la maladie même dont on veut guérir son prochain, et cela, non pour la partager entièrement, mais pour lui venir en aide, absolument comme on se baisse pour tendre la main à quelqu'un qui est à terre. En effet on ne se couche pas à côté de lui pour partager sa situation; on se contente de s'incliner, pour l'aider à se relever.