1.
Toute âme est en partie en possession de certain droit privé, et en partie contenue et gouvernée parles lois universelles. Donc comme toute chose visible en ce monde est sous la garde de quelque puissance angélique, ainsi que l'Ecriture sainte l'atteste en plusieurs endroits, cette puissance traite différemment l'objet qui lui est subordonné, selon qu'elle agit en vertu de son droit privé, ou en conformité aux lois générales. Car le tout l'emporte sur la partie ; et l'exercice du droit privé n'est possible qu'autant que la loi générale le permet. Mais une âme est d'autant plus pieuse et plus pure, qu'elle se complaît moins dans ses intérêts personnels, pour s'attacher à la loi générale, et s'y dévouer avec empressement et bonne volonté. Or la loi de l'univers, c'est la divine sagesse. Donc plus l'âme recherche son bien propre, en laissant de côté les intérêts de Dieu, dont le gouvernement est si utile, si salutaire à toutes les âmes ; plus elle désire s'appartenir à elle-même ou à qui il lui plaît, plutôt qu'à Dieu, préférant le pouvoir qu'elle exerce sur elle ou sur d'autres à celui de Dieu sur toutes les créatures ; plus aussi elle devient difforme et se trouve astreinte, par punition, aux lois divines, comme régulatrice de l'univers. Donc aussi, plus une âme humaine, abandonnant Dieu, se complaira dans des honneurs propres ou dans sa puissance, plus elle est soumise aux puissances qui jouissent aussi de leur droit personnel, et désirent être honorés comme dieux par les hommes. Or la loi divine permet souvent à ces puissances de produire, en vertu de leur droit privé, quelque miracle à la prière de ceux qu'elles ont subjugués, parce qu'ils le méritaient miracles qui n'ont lieu que dans les objets de rang infime, auxquels ces puissances sont préposées dans l'ordre hiérarchique. Mais là où la loi divine commande comme loi générale, elle l'emporte sur tout droit privé ; lequel droit serait absolument nul sans la permission de la puissance divine. D'où il arrive qu'en vertu de la loi générale et en quelque sorte royale, c'est-à-dire par la puissance du Dieu souverain, les saints serviteurs de Dieu, commandent, quand le bien l'exige, aux puissances inférieures, de faire quelques miracles visibles. Car c'est Dieu qui commande en eux: Dieu dont ils sont le temple et qu'ils aiment du plus ardent amour, au mépris de leur propre puissance. Mais dans les opérations magiques, dont le but est de tromper et de subjuguer ceux au profit de qui elles se font, les puissances inférieures cèdent aux prières et à l'intercession de leurs ministres, accordant de leur droit privé ce qu'elles peuvent accorder à ceux qui les honorent, les servent et sont liés avec elles par des pactes mystérieux. Et quand les magiciens ont l'air de donner un ordre, ils frappent de terreur ceux qui sont au dessous d'eux en invoquant des puissances plus élevées, et font paraître, à leur regards étonnés, quelques faits visibles, qui, à raison de l'infirmité de la chair, passent pour merveilleux aux yeux d'hommes incapables de contempler les beautés éternelles, réservées par le vrai Dieu à ceux qui l'aiment. Or Dieu, dans sa justice et dans sa sagesse, permet cela, pour proportionner aux passions et (483) au libre choix de chacun la servitude ou la liberté qu'il mérite. Et si quelquefois c'est en invoquant le Dieu souverain que les passions coupables sont exaucées, c'est de sa part, non une faveur, ,mais un acte de vengeance. Car ce n'est pas sans; raison que l'Apôtre a dit : « Dieu les a, livrés aux désirs de leur coeur 1. » En effet la facilité de commettre certains péchés est la punition des péchés déjà commis.
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Rom. I, 26. ↩