XXVII. — De la Providence.
Il peut se faire que la divine Providence se serve d'un méchant pour punir et pour aider. Par exemple, l'impiété des Juifs a causé leur perte et procuré le salut des nations. De même il peut arriver que la divine Providence sative et perde parle moyen de l'homme juste, comme le dit l'Apôtre : « Aux uns nous sommes odeur de vie pour la vie ; mais aux autres odeur de mort pour la mort 1. » Et comme toute tribulation est ou une punition pour les impies ou une épreuve pour les bons, de même que le traîneau, tribula, qui a donné son nom à la tribulation, broie en même temps la paille et en fait sortir le grain ; d'autre part, comme la paix et l'exemption des ennuis temporels profitent aux bons et gâtent les méchants : la divine Providence proportionne tout cela aux mérites des âmes. Néanmoins les bons n'assument pas d'eux-mêmes le rôle d'instruments de punition, et les méchants n'ont pas en vue de procurer la paix. C'est pourquoi les méchants, qui servent d'instruments sans le savoir, ne reçoivent point le prix de la justice dont tout le mérite est à Dieu, mais celui de leur malveillance. De même on n'impute pointaux bons le mal qu'ils occasionnent en voulant faire le bien, mais on leur accorde de bon coeur le prix de leur bonne volonté. Ainsi toute créature se fait ou ne se fait pas sentir, est nuisible ou utile, selon les mérites des âmes douées de raison. En effet sous un Dieu souverain, administrant parfaitement tous ses ouvrages, il n'y a rien de désordonné, rien d'injuste dans l'univers, que nous le sachions ou que nous ne le sachions pas. Cependant l'âme pécheresse est parfois blessée ; mais comme elle est où il convient qu'elle soit, et qu'elle souffre ce qu'il est juste de souffrir en pareil état, elle ne dépare nullement, par sa difformité, le royaume universel de Dieu. C'est pourquoi, comme nous ne connaissons pas toutes les sages dispositions de l'ordre divin en ce qui nous concerne nous n'avons que la bonne volonté pour agir selon la loi ; dans tout le reste, nous sommes conduits selon cette loi, qui est immuable et gouverne admirablement tout ce qui est sujet à changement. Donc Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et paix sur la terre aux hommes de bonne volonté 2. »