XXXIV. — Ne doit-on aimer que d'être sans crainte ?
Si c'est un vice de ne pas craindre, il ne faut pas le désirer. Or l'homme parfaitement heureux ne craint pas et n'est cependant point vicieux. Donc ce n'est pas un vice de ne pas craindre. Mais l'audace est un vice ; donc tout homme qui ne craint pas n'est pas pour cela (436) audacieux, bien qu'aucun audacieux ne craigne. De même encore aucun cadavre ne craint. Par conséquent, puisque l'exemption de la crainte est commune à l'homme parfaitement heureux, à l'audacieux et au cadavre, mais que le premier la possède par la tranquillité de l'âme, l'audacieux par la témérité, le cadavre par l'insensibilité ; il faut l'aimer, puisque nous voulons être heureux ; mais ne pas l'aimer seule, puisque nous ne voulons être ni audacieux ni cadavres.