CHAPITRE XX. DIFFICULTÉ : LES AUTRES APOTRES QUI ONT VÉCU DE L'ÉVANGILE SANS TRAVAILLER ONT-ILS PÉCHÉ ?— RÉPONSE : LE PRÉCEPTE DU TRAVAIL REGARDE CEUX QUI N'ÉVANGÉLISENT PAS.
23. Une difficulté s'élève ici. Quoi donc ! dira-t-on peut-être, en ne travaillant pas, tes autres apôtres, les frères du Seigneur et Céphas ont-ils péché, ou bien ont-ils créé des obstacles à l'Evangile ? Car saint Paul déclare, lui, n'avoir point usé de son droit pour ne pas entraver la propagation de la foi. Dites-vous qu'ils ont péché en ne travaillant pas? — Vous niez alors qu'ils aient reçu le pouvoir de vivre de l'Evangile et sans le travail des mains. Dites-vous qu'ils avaient reçu le droit de ne pas travailler? Maintenez-vous la règle du Seigneur, que « les prédicateurs de l'Evangile peuvent vivre de l'Evangile », et même, en général, « que l'ouvrier mérite son salaire1 », tout en remarquant que saint Paul n'a pas voulu profiter de ce droit et qu'il a fait pour l'Eglise plus que son devoir? — C'est dire que les Apôtres n'ont pas péché. Mais s'ils n'ont pas péché, c'est qu'ils n'ont point suscité d'obstacles à l'oeuvre de Dieu ; car entraver les progrès de l'Evangile, c'est bien certainement un péché. Concluons, ajoutent nos adversaires , que les choses étant ainsi , nous pouvons en toute liberté, nous aussi, user ou ne point user de ce pouvoir.
24. Pour résoudre brièvement cette difficulté, je n'aurais qu'un mot à dire, et je le dirais en toute raison : Croyez absolument à saint Paul. — Il savait, lui, pourquoi chez les églises de la gentilité, il fallait porter l'Evangile sans ombre de vénalité. Aussi, sans blâmer les apôtres ses collègues, il prouvait le caractère spécial de son ministère. En effet, les Apôtres, assistés certainement par le Saint-Esprit, s'étaient partagé pour le monde entier les fonctions évangéliques; Paul avec Barnabé devaient s'adresser plutôt aux Gentils2, et leurs collègues plutôt aux circoncis3. Mais que l'Apôtre ait commandé le travail à tous ceux qui n'avaient pas reçu le droit que vous savez, voilà un fait évident, et tout ce que nous avons dit le prouve surabondamment. Or, nos pauvres frères s'arrogent bien témérairement, ce me semble, ce droit exceptionnel. Ils l'ont, je l'avoue, s'ils annoncent l'Evangile; et, comme ministres de l'autel et dispensateurs des sacrements, ils ne se l'arrogent pas, ils le réclament à juste titre.