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Œuvres Augustin d'Hippone (354-430) De opere et eleemosynis Du travail des Moines

CHAPITRE XXV. A QUOI SERT-IL D'AVOIR ABANDONNÉ SES OCCUPATIONS, ANTÉRIEURES, S'IL FAUT REVENIR AU TRAVAIL ? — LA CHARITÉ DANS LA VIE COMMUNE. — IL CONVIENT QUE CEUX MÊMES QUI SORTENT D'UNE CONDITION SUPÉRIEURE, TRAVAILLENT APRÈS LEUR CONVERSION ; A PLUS FORTE RAISON CEUX QUI ONT QUITTÉ UN GENRE DE VIE PLUS HUMBLE.

32. On dira : Que sert donc à un soldat de Dieu d'avoir abandonné les affaires qui l'occupaient dans le siècle pour se tourner tout entier vers la sainte milice et la vie spirituelle, s'il lui faut encore, comme un ouvrier, s'occuper à des travaux vulgaires ?

Mais est-il donc facile aussi d'expliquer en théorie à quoi sert l'oracle rendu par le Seigneur à un riche qui lui demandait le moyen d'acquérir la vie éternelle ? Jésus-Christ lui dit ce qu'il faut faire pour être parfait : Vendre ce qu'il avait, distribuer tout pour le soulagement des pauvres, et puis le suivre1. Eh bien ! quel homme à suivi Notre-Seigneur d'un pas plus vif et plus libre, que celui qui a dit : « Je n'ai pas couru en vain ; je n'ai pas non plus en vain travaillé2? » Or il a prescrit ces travaux et il a mis lui-même son précepte en pratique. Instruits et formés par cette imposante autorité, nous y trouvons assez de motifs pour suivre l'exemple de l'abandon de nos biens matériels et de l'acceptation du travail corporel.

Toutefois, aidés par le Seigneur lui-même, peut-être il nous est donné de savoir quelque peu ce que gagnent les serviteurs de Dieu à délaisser les affaires du siècle, même à la condition de travailler ensuite de leurs mains.

Voilà un homme qui, de riche qu'il était, se convertit à cette vie austère, sans avoir aucune infirmité qui le condamne au repos. Avons-nous assez perdu la saveur sainte de Jésus-Christ pour ne pas comprendre quelle plaie de vieil orgueil il vient ainsi guérir quand , après s'être retranché les superfluités qui entretenaient dans son coeur des ardeurs mortelles, il pousse l'humilité jusqu'à accepter la tâche d'un ouvrier pour gagner le modique salaire de la vie naturelle?

Supposons , au contraire , la conversion d'un indigent à la vie monastique. Quelles devront être ses vues ? Lui aussi cessera d'agir comme il agissait; il renoncera à tout désir d'augmenter le peu qu'il avait; il ne cherchera plus ses intérêts, mais ceux de Jésus-Christ3 ; il embrassera la charité qui caractérise la vie commune, décidé à vivre dans la société d'hommes qui n'ont en Dieu qu'un coeur et qu'une âme, dans un état où « personne ne « considère ce qu'il possède comme lui appartenant en propre, mais où tout est commun « à tous4 ».

Les anciens chefs de la république terrestre sont ordinairement loués en termes magnifiques par leurs littérateurs, pour avoir préféré à leurs intérêts privés l'intérêt commun de tout un peuple de concitoyens. Tel fut, parmi eux, Scipion, ce triomphateur de l'Afrique domptée, lequel n'aurait pu rien donner en mariage à sa fille, si un décret du sénat ne l'avait dotée aux frais du trésor public5.

Quel coeur et quel dévouement ne doit donc pas avoir pour sa chère république, le citoyen de la cité éternelle, de la Jérusalem céleste ? N'est-ce pas le moins pour lui, que de laisser en commun tout le fruit du travail de ses mains pour son frère bien-aimé, et, si celui-ci manque de quelque chose, d'y suppléer par ces fonds de communauté, heureux de dire avec celui dont il a suivi le précepte et l'exemple : « Nous semblons ne rien avoir et nous possédons tout6 ? »

33. Redisons-le donc, d'abord, à ces hommes qui ont abandonné ou distribué aux pauvres un ample patrimoine ou une certaine quantité de biens, et que leur humilité pieuse et salutaire détermine à demander place parmi les pauvres de Jésus-Christ. Ils ont donné ainsi une grande preuve de courage; ils ont de plus contribué largement, ou dans une certaine mesure du moins, à pourvoir de leurs biens aux besoins de la communauté; et par suite, les fonds de celle-ci et la charité fraternelle leur devraient en retour la subsistance gratuite. Toutefois, s'ils sont assez forts et qu'on ne les emploie pas aux travaux spirituels de l'Eglise, qu'ils s'occupent, eux aussi, de travaux manuels pour ôter toute excuse à certains paresseux , venus d'un milieu plus humble , et partant plus endurcis à la peine. Ils feront ainsi une oeuvre de miséricorde plus belle encore que lorsqu'ils ont distribué tous leurs biens aux indigents. — Au reste, s'ils s'y refusent, qui oserait les y forcer ? Néanmoins , il faudra trouver pour eux dans le monastère certains travaux qui les affranchissent davantage de la fatigue du corps, mais qui réclament le soin d'administrateurs vigilants, afin qu'eux-mêmes ne mangent pas non plus gratuitement leur pain, puisque ce pain désormais appartient à la communauté. Et l'on ne devra pas faire attention à quels monastères ou dans quel endroit chacun aura fait à ses frères indigents l'abandon de ce qu'il possédait. Car la république chrétienne est une ; et pour cette raison, tout chrétien qui donne ses biens pour subvenir aux nécessités du prochain en quelque lieu que ce soit, doit recevoir du trésor de Jésus-Christ en n'importe quel lieu, et y retrouver son nécessaire. Car partout où lui-même a donné à ses frères, qui donc a reçu , sinon Jésus-Christ ?

Un mot maintenant à ceux qui, en dehors de la sainte association, gagnaient leur vie par le travail. Ils forment le grand nombre de ceux qui entrent dans les monastères, par la raison qu'ils forment aussi le grand nombre dans le genre humain. S'ils ne veulent pas travailler, qu'ils ne mangent point. Si les riches viennent dans la milice chrétienne chercher l'humiliation par piété, ce n'est pas pour que les pauvres trouvent l'élévation par l'orgueil. Il serait souverainement indécent qu'un genre de vie qui fait avec des sénateurs des hommes de travail, fît avec des ouvriers des hommes de loisir, et qu'un lieu où se rendent des propriétaires de grands domaines après avoir renoncé à leurs délices, fût habité par des paysans vivant dans la mollesse.


  1. Matth. XIX, 21.  ↩

  2. Philip. I,16.  ↩

  3. Philip. II, 21.  ↩

  4. Act. IV, 32. ↩

  5. Scipion, dans Valerius, liv. IV, c. 4.  ↩

  6. II Cor. II, 10. ↩

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