CHAPITRE XXX. IL EST A CRAINDRE QUE LA PARESSE DES MAUVAIS NE RALENTISSE ET NE GATE LES BONS.
38. Mon très-cher Aurèle, vénéré frère dans les entrailles de Jésus-Christ, vous avez maintenant ma pensée sur le travail des moines, aussi bien traitée que me l'a permis Celui qui, par votre bouche, m'a commandé de l'écrire. Je n'ai pas tardé à prendre la plume, parce qu'une crainte surtout me préoccupait : celle que des frères vertueux et fidèles à obéir aux préceptes apostoliques ne s'entendissent jeter le nom de prévaricateurs de l'Evangile, par des êtres paresseux et désobéissants; je voulais que ceux qui ne travaillent pas ne pussent douter du moins de leur infériorité absolue auprès de ceux qui travaillent. Est-ce chose supportable, en effet, que des hommes en révolte obstinée contre les avis les plus salutaires de l'Apôtre, ne soient pas simplement tolérés à raison de leur infirmité spirituelle, et qu'on les exalte même comme plus parfaits? Faut-il que des monastères basés sur des principes plus purs se laissent corrompre à leur tour par ce double appât d'un droit absolu autant que lâche à la paresse, et d'un faux renom de sainteté ?
Et vous autres aussi, simples fidèles, nos frères et fils, qui prenez habitude de pencher de ce côté et de défendre par ignorance leurs prétentions téméraires, sachez que vous avez à vous corriger vous-mêmes pour rendre leur correction possible, sans que, pour cela, vous faiblissiez dans la pratique de la bienfaisance. Oui, subvenez promptement et avec joie aux nécessités des serviteurs de Dieu : loin de vous blâmer, nous serons très-heureux de vous bénir; mais craignez, par une pitié très-malheureuse, de nuire au bien éternel de ces pauvres gens, plus encore que vous n'aideriez à leur bien temporel.
39. En effet, Dieu est moins offensé, quand du moins le pécheur n'est point « loué dans les désirs coupables de son âme et que l'auteur d'iniquités ne reçoit pas encore de bénédictions1 ».
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Psal. IX, 24, 3. ↩