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Contra Faustum Manichaeum libri triginta tres
25.
Iam vero illud, quod antiquis dictum est: Oculum pro oculo, dentem pro dente, quomodo contrarium habet, quod ait dominus: Ego autem dico vobis non resistere malo; sed si quis te percusserit in maxillam tuam dexteram, praebe illi et alteram et cetera, quandoquidem et illud antiquum ad reprimendas flammas odiorum saevientiumque immoderatos animos refrenandos ita praeceptum est? Quis enim tandem facile contentus est tantum reponere vindictae, quantum accepit iniuriae? Nonne videmus homines leviter laesos moliri caedem, sitire sanguinem vixque invenire in malis inimici unde satientur? Quis pugno percussus non aut iudicia concitat in damnationem eius, qui percusserit, aut, si ipse repercutere velit, totum hominem, si non etiam telo aliquo arrepto, pugnis calcibusque contundit? Huic igitur immoderatae ac per hoc iniustae ultioni lex iustum modum figens poenam talionis instituit, hoc est, ut qualem quisque intulit iniuriam, tale supplicium pendat. p. 525,21 Proinde oculum pro oculo, dentem pro dente non fomes, sed limes furoris est, non ut id, quod sopitum erat, hinc accenderetur, sed ne id, quod ardebat, ultra extenderetur, impositus. Est enim quaedam iusta vindicta iusteque debetur ei, qui fuerit passus iniuriam. Unde utique cum ignoscimus, de nostro quodam modo iure largimur. Unde etiam debita dicuntur, quae in oratione dominica humanitus dimittere monemur, ut nobis et nostra divinitus dimittantur. Quod autem debetur, etsi benigne dimittitur, non tamen inique repetitur. Sed sicut in iurando etiam qui verum iurat, propinquat peiurio, unde longe abest, qui omnino non iurat, et quamvis non peccet, qui verum iurat, remotior tamen a peccato est qui non iurat – unde admonitio non iurandi conservatio est a peccato peiurii -, p. 526,9 ita cum peccet qui per immoderationem iniuste vult vindicari, non peccet autem, qui modum adhibens iuste vult vindicari, remotior est a peccato iniustae vindictae, qui non vult omnino vindicari. Peccat enim, qui exigit ultra debitum; non peccat autem qui exigit debitum, sed tutius longe est a peccato iniusti exactoris, qui omnino non exigit debitum, praesertim ne cogatur et ipse reddere debitum ab eo, qui nullum habet debitum. Possem ergo et ego sic ista ponere: Dictum est antiquis: ‛Non iniuste vindicabis’; ego autem dico, ne vindicetis quidem; adimpletio est, p. 526,19 sicut de iurando Faustus ait: ‛Dictum est: non peierabis; ego autem dico, ne iuretis quidem’; aeque adimpletio est. Poteram ergo et ego ita dicere, si mihi per haec adiecta verba, quod legi defuit, a Christo additum videretur, ac non potius id, quod lex volebat efficere, ne iniuste se quisquam vindicando peccaret, conservari tutius, si omnino se non vindicaret, sicut id quod volebat efficere, ne quisquam peierando peccaret, conservari tutius, si non iuraret. Nam si contrarium est: Oculum pro oculo et: Qui te percusserit in maxillam, praebe illi et alteram, cur non sit contrarium: Reddes domino iusiurandum tuum et: Noli iurare omnino? p. 527,6 Et tamen illam non destructionem sed adimpletionem Faustus arbitratur, quod et hic debuit arbitrari. Nam si verum iura adimpletur dicendo ne iures, cur non et iuste vindica adimpletur dicendo ne vindices? Sicut ego in utroque conservationem esse arbitror a peccato, quo vel falsum iuratur vel iniuste vindicatur, quamquam hoc de donanda omnino vindicta valeat etiam ad illud, ut dimittendo huiusmodi debita etiam nobis dimitti mereamur. Sed duro populo modus prius adhibendus fuit, quo discer[ner]et non egredi debitum, ut edomita ira, quae ad immoderatam vindictam rapit, iam qui vellet tranquillus attenderet, quid ipse deberet, quod sibi relaxari a domino cuperet, ut hac consideratione conservo debitum relaxaret. p. 527,19
Traduction
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Contre Fauste, le manichéen
CHAPITRE XXV. LA LOI DU TALION EN FACE DE LA DOCTRINE ÉVANGÉLIQUE.
Maintenant, quelle contradiction y a-t-il entre ce qui a été dit aux anciens : « Oeil pour oeil, dent pour dent », et ce que dit le Seigneur : « Et moi je vous dis de ne point résister aux mauvais traitements; mais si quelqu'un vous frappe sur la joue droite, présentez-lui encore l'autre[^3] », et le reste? Le précepte donné aux anciens avait pour but de réprimer l'ardeur de la haine, de mettre un frein à une fureur immodérée. Car quel est l'homme qui se contente de se venger dans la juste proportion de l'injure qu'il a reçue ? Ne voyons-nous pas des hommes, légèrement offensés, méditer le meurtre, avoir soif de sang, et se montrer insatiables des maux de leur ennemi ? Quel est l'homme qui, ayant reçu un coup de poing, ne cite pas en justice celui qui l'a frappé pour le faire condamner; ou s'il veut se faire lui-même justice, n'accable pas son adversaire de coups de poing et de coups de pied du haut en bas, à supposer encore qu'il ne se trouve pas une arme sous sa main pour l'en percer ? C'était donc pour fixer une juste mesure à cette vengeance immodérée, et par là même injuste, que la loi avait établi la peine du talion, c'est-à-dire réglé que la punition serait telle que l'injure. Par conséquent le principe : « Oeil pour oeil, dent pour dent », n'avait pas pour but d'exciter la colère, mais de lui donner une borne; ni de rallumer une flamme éteinte, mais de contenir les ravages de l'incendie allumé. Car enfin il existe une vengeance juste, un droit équitable en faveur de celui quia reçu une injure; d'où vient que quand nous pardonnons, nous cédons en quelque sorte de notre droit. Aussi sont-ce des dettes que l'Oraison dominicale nous engage à remettre aux hommes, afin que les nôtres nous soient reluises de la part de Dieu[^1]. Or, il n'y a pas d'injustice à réclamer une dette, bien qu'il soit généreux de la remettre. Mais de même que, en fait de serinent, celui qui jure la vérité se rapproche du parjure, tandis que celui qui ne jure pas du tout s'en éloigne, et que, bien que celui qui jure la vérifié ne pèche pas, celui qui ne jure pas du tout est plus éloigné du péché, en sorte que nous engager à ne pas jurer c'est nous préserver du péché de parjure : ainsi, comme celui qui veut se venger immodérément se rend coupable, et que celui qui ne veut qu'une juste vengeance ne pèche pas, cependant celui qui ne veut en aucune façon se venger est à une plus grande distance du péché de vengeance injuste. En effet, celui qui exige plus qu'il ne lui est dû est coupable ; tandis que celui qui n'exige que sa dette ne l'est pas : mais celui-là est bien mieux garanti du péché d'une injuste exaction, qui n'exige en aucune façon sa dette, surtout pour n'être pas forcé de payer sa propre dette à celui qui n'a pas de dettes. Je pourrais donc dire : Il a été dit aux anciens Tu ne te vengeras pas injustement; mais moi, je vous dis: Ne vous vengez pas même : voilà le complément; absolument comme Fauste a dit : « Il a été dit : Tu ne te parjureras pas; et moi je vous dis: Ne jurez pas même : voilà encore un complément ». Oui, je pourrais dire cela si je voyais, dans les paroles du Christ, une addition faite à la loi, pour combler une lacune, et non plutôt le but même que la loi voulait atteindre, à savoir qu'on ne se venge pas du tout pour mieux se préserver du péché de la vengeance injuste: de même que son but était de sauver plus sûrement du péché de parjure, en engageant à ne pas jurer du tout. Car s'il y a contradiction entre: « Oeil pour oeil », et : « Si quelqu'un vous frappe sur une joue, présentez-lui encore l'autre », pourquoi n'y en aurait-il pas aussi entre : « Remplissez le serment que vous avez fait au Seigneur », et: « Ne jurez en aucune façon[^2] ? » Et cependant, là, Fauste ne voit qu'un complément, et non une abolition; il aurait donc dû en voir aussi un ici. Car si : Jure la vérité, est complété par : Ne jure pas ; pourquoi : Tire une juste vengeance, ne serait-il pas complété par : Ne te venge pas ? Pour moi, je vois dans l'un et dans l'autre un préservatif contre le péché de faux serment ou de vengeance injuste; et, de plus, la remise complète de l'injure a cet avantage que, en remettant ce qui nous est dû, nous méritons que nos propres dettes nous soient remises. Mais à un peuple difficile il fallait d'abord fixer une mesure pour lui apprendre à ne rien exiger au-delà de la justice ; afin que, devenu maître de là colère qui entraîne à une vengeance immodérée, l'homme calmé pût, s'il le voulait, réfléchir à ses dettes, examiner ce qu'il aimerait à se voir, remettre par le Seigneur, et que cette considération le déterminât à remettre lui-même à son frère tout ce que celui-ci, pourrait lui devoir.
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Ex. XXI, 21; Matt. V, 30
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Matt. VI, 12.
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Ex. XX, 7 ; Matt. V, 33-37.