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Contre Fauste, le manichéen
CHAPITRE XXII. SUR LE TEXTE: TU VERRAS TA VIE SUSPENDUE ET TU NE CROIRAS PAS A TA VIE.
Là est aussi l'explication de ces paroles, dont l'ambiguïté a trompé Fauste : «Tu verras ta vie suspendue et tu ne croiras pas à ta vie[^6] ». On peut dire peut-être qu'elles sont susceptibles d'un autre sens ; mais qu'on ne puisse les entendre du Christ, c'est ce que Fauste n'a pas osé dire, c'est ce que personne n'osera jamais dire, à moins de nier ou que le Christ soit la vie, ou que les Juifs l'aient vu suspendu, ou qu'ils aient refusé de croire en lui. Mais comme le Christ a dit lui-même : « Je suis la vie[^7] », et qu'il est constant qu'il a été suspendu sous les yeux des Juifs qui ne croyaient point en lui : je ne vois pas pourquoi celui dont le Christ a dit : « C'est de moi qu'il a écrit[^1] », n'aurait pas écrit cela du Christ. Mais si Fauste s'est efforcé de prouver que ce texte : « Je leur susciterai, du milieu de leurs frères, un prophète semblable à toi », ne peut s'entendre du Christ, parce que le Christ n'est pas semblable à Moïse, et s'il a été complétement réfuté sur ce point, qu'est-il besoin de nous arrêter à celui-ci ? Comme Fauste a dit, pour écarter la première prophétie, que le Christ n'est pas semblable à Moïse; qu'il soutienne, pour se débarrasser de la seconde, ou que le Christ n'est pas la vie ou qu'il n'a pas été suspendu sous les yeux des Juifs incrédules. Mais comme il ne l'a pas dit, et que personne aujourd'hui n'oserait le dire, pourquoi hésiterions-nous à appliquer aussi à Notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ cette prophétie de son serviteur ? Car cette malédiction a été énumérée parmi les autres. Est-ce donc parce que les malédictions, où celle-ci a sa place, sont des prophéties, que celle-ci n'en serait pas une ? Ou ne serait-ce point une prophétie applicable au Christ, parce que ce qui précède et ce qui suit dans le contexte, ne paraît pas concerner le Christ? Comme s'il pouvait y avoir une malédiction pire que celle que les Juifs se sont attirée par leur orgueilleuse impiété, de voir leur vie, c'est-à-dire le Fils de Dieu suspendu, et ne pas y croire ! En effet, les malédictions prophétiques ne sont point des imprécations dictées par la haine, mais des prédictions inspirées par l'Esprit qui prévoit l'avenir : les imprécations provenant de la malice sont même défendues, puisqu'on nous dit : « Bénissez et ne maudissez pas[^2] ». Mais on trouve souvent dans la bouche des saints un langage comme celui-ci, de saint Paul : « Alexandre, l'ouvrier en airain, m'a fait beaucoup de mal ; le Seigneur lui rendra selon ses oeuvres[^3] ». Et cet autre souhait de l'Apôtre paraît aussi avoir été dicté par la colère et l'indignation : « Plût à Dieu que ceux qui vous troublent fussent même mutilés[^4] ! » Si vous faites attention à la personne de celui qui écrit, vous verrez qu'il déguise très-élégamment un souhait de bonheur sous une phrase ambiguë. Car il est des hommes qui se sont rendus eunuques, à cause du royaume des cieux[^5]. C'est ce que Fauste aurait aussi compris, si son palais eût été disposé à goûter les mets du Seigneur. Peut-être encore ces paroles: « Tu verras ta vie suspendue, et tu ne croiras pas à ta vie », étaient-elles entendues par les Juifs en ce sens que, voyant leur existence mal assurée au milieu des menaces et des embûches de leurs ennemis, ils ne croyaient pas à la victoire. Mais le fils de l'Evangile, en entendant dire : « C'est de moi qu'il a écrit », démêle, à travers l'ambiguïté de la phrase, ce que les Prophètes jettent aux pourceaux, et ce qu'ils insinuent aux hommes ; et aussitôt sa pensée se porte sur le Christ, vie des hommes, suspendu, et sur les Juifs qui n'y croient pas, Précisément parce qu'ils le voient suspendu. Un autre se bâtera sans doute de dire que, parmi les malédictions qu'on lit en cet endroit et qui ne regardent point le Christ, ce passage seul le concerne: « Tu verras ta vie suspendue, et tu ne croiras pas à ta vie ». Car cette malédiction devait nécessairement prendre place parmi celles dont on menace prophétiquement ce peuple impie. Mais comme le Christ ne dit pas : Moïse a aussi écrit de moi, de manière à laisser croire que Moïse a écrit d'autres choses qui ne le concernent pas; mais qu'il dit : « Car c'est de moi qu'il a écrit », afin que nous n'ayons dans l'étude de tous les écrits de Moïse, d'autre but que de nous procurer l'intelligence de la grâce du Christ: pour cela donc, moi et quiconque lit attentivement ces paroles du Seigneur dans l'Evangile, nous reconnaissons que les malédictions contenues dans ce chapitre ont été aussi formulées prophétiquement en vue du Christ : mais si j'essayais de le démontrer maintenant, je serais trop long.
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Deut. XXVIII, 66.
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Jean, XIV, 6.
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Jean, V, 47.
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Rom. XII, 14.
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II Tim. IV, 14.
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Gal. V, 12.
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Matt. XIX, 12.
Edition
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Contra Faustum Manichaeum libri triginta tres
22.
Hinc est et illud, cuius ambiguitate Faustus fallitur: Videbis vitam tuam pendentem et non credes vitae tuae. Quae verba et aliter posse intellegi potest aliquis dicere; de Christo autem non posse intellegi nec Faustus ausus est dicere nec quisquam prorsus audebit, nisi qui negaverit aut Christum esse vitam aut a Iudaeis visum esse pendentem aut eos illi non credidisse. p. 464,16 Cum vero et ipse dicat: Ego sum vita et eum pependisse constet ante oculos non ei credentium Iudaeorum, non video, cur dubitare debeamus id etiam de Christo scripsisse illum, de quo Christus ait: Ille enim de me scripsit. Proinde si quod scriptum est: Suscitabo eis prophetam de fratribus illorum similem tibi, ostendere conatus est Faustus non posse de Christo intellegi, quia Christus Moysi similis non est, et tamen ex omni parte convictus est, quid opus est in hoc testimonio laborare? Aut certe, sicut dixit Christum similem non esse Moysi, ut illam refelleret prophetiam, sic etiam ut hanc refellat, dicat Christum non esse vitam vel in conspectu Iudaeorum non ei credentium non pependisse. p. 464,28 Cum autem hoc ille non dixerit nec hodie quisquam eorum audeat dicere, nihil est, cur moremur hanc quoque de domino et salvatore nostro Iesu Christo famuli eius amplecti prophetiam. At enim inter cetera maledicta et hoc positum est. Num ideo non est prophetia, cum et cetera, inter quae positum est, nihil sint aliud quam prophetiae? Aut ideo non est de Christo prophetia, quia illa, quae in ea lectione vel praecedentia vel consequentia contexuntur, nihil pertinere videntur ad Christum? Quasi vero quicquam sit peius inter maledicta, quae Iudaeis pro merito superbiae impietatis acciderunt, quam videre vitam suam, id est filium dei, pendentem et non credere vitae suae. Maledicta enim cum ex prophetia dicuntur, non sunt de malo voto imprecantis, sed de praescio spiritu denuntiantis. p. 465,13 Nam illa, quae de malo voto sunt, prohibentur, cum dicitur: Benedicite et nolite maledicere. Haec autem saepe inveniuntur in sermone sanctorum. Sicut apostolus Paulus, Alexander inquit aerarius multa mala mihi ostendit; reddet illi dominus secundum opera sua. Nam illud tamquam stomachatus et indignatus etiam male optasse videtur apostolus: Utinam et abscidantur, qui vos conturbant! Quod utique, si consideres personam scribentis, magis eum elegantissimo ambiguo bene optasse intelleges. Sunt enim spadones, qui se ipsos absciderunt propter regnum caelorum. Quod in his quoque verbis Faustus sapuisset, si pium palatum ad escas dominicas attulisset. p. 465,25 Sic enim sonuit fortasse Iudaeis, quod dictum est: Videbis vitam tuam pendentem et non credes vitae tuae, ut inter minas vel dolos hostium suorum vitam suam videntes ex incerto pendere victuros se esse non crederent. Sed filius evangelii cum audit: Ille enim de me scripsit, in hac ipsa ambiguitate sententiae videt, quid prophetae porcis proiciant, quid hominibus innuant, statimque illi occurrit vita hominum Christus pendens eique non credentes Iudaei ob hoc ipsum, quia pendentem vident. Et alius quidem aliquis cito diceret inter cetera maledicta, quae in illa lectione ad aliquid de Christo intellegendum non pertinent, hoc solum ibi esse de Christo, quod scriptum est: Videbis vitam tuam pendentem et non credes vitae tuae; neque enim fieri non posset, ut inter diversa maledicta, quae impio populo prophetice praenuntiabantur, hoc quoque poneretur. p. 466,13 Sed ego et qui mecum aliquanto attentius cogitant evangelicam illam dominicamque sententiam, qua non ait: Ille enim et de me scripsit ut et alia, quae ad Christum non pertinent, scripsisse crederetur, sed ait: De me enim ille scripsit, ut omnem scripturae illius intentionem nonnisi ad intellegendam Christi gratiam perscrutando consuleremus, etiam cetera in illa lectione maledicta propter Christum praedicta cognoscimus. Quod nunc ostendere si velim, nimis longum erit.