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Contre Fauste, le manichéen
CHAPITRE IV. LES HISTORIENS PARLENT D'EUX-MÊMES À LA TROISIÈME PERSONNE. LE CHRIST AUSSI L'A FAIT.
Mais quelle jolie chose Fauste s'imagine avoir dite ! Il ne faut pas croire Matthieu parce que, en parlant de sa vocation, il ne dit pas : Jésus me vit et me dit : Suis-moi, mais : « Jésus vit Matthieu et lui dit : Suis-moi[^9] ! » Je ne sais s'il faut accuser ici la maladresse de l'ignorance ou l'astuce ordinaire. Cependant je ne puis supposer que l'ignorance de Fauste aille jusqu'à n'avoir jamais lu ou entendu dire que quand les historiens ont à mettre leur propre personne en scène, ils ne parlent d'eux que comme s'ils parlaient d'un autre. J'aime mieux croire que ce n'est pas ignorance chez lui, mais qu'il a voulu jeter de la.poussière aux yeux des ignorants dans l'espoir d'en séduire un plus grand nombre qui ne seraient pas au gourant de ces matières. On trouve en effet des exemples de ce genre de récit dans les historiens profanes. Mais je n'ai pas besoin de recourir à la littérature étrangère pour éclairer nos fidèles ou réfuter mon adversaire. Il a lui-même cité tout à l'heure des passages des livres de Moïse, non pour contester que Moïse en soit l'auteur (il en est convenu, au contraire), mais pour nier qu'ils se rapportent au Christ. Qu'il cherche donc dans ces livres si Moïse dit, en parlant de lui : j'ai dit ou fait ceci ou cela; s'il ne dit pas : « Moïse dit[^1] ; Moïse fit[^2]; et encore, si Moïse dit : Le Seigneur m'appela, le Seigneur me dit, et non : « Le Seigneur appela Moïse[^3] ; le Seigneur dit à Moïse[^4] »; et tout le reste de la même manière. C'est ainsi que Matthieu parle de lui comme d'un autre; et Jean aussi, ainsi qu'on peut le voir à la fin de son livre, où il dit : « Pierre s'étant retourné, vit le disciple que Jésus aimait, qui s'était aussi reposé pendant la cène sur son sein, et avait dit au Seigneur: Qui est celui qui vous trahira? » Dit-il : Pierre, s'étant retourné, me vit? Les Manichéens pensent-ils pour cela qu'il n'est pas l'auteur de son Evangile ? Mais peu après il reprend : « C'est ce même disciple qui rend témoignage de Jésus et qui a écrit ces choses; et nous savons que son témoignage est vrai[^5] ». Dit-il : Je suis le disciple qui rends témoignage de Jésus et qui ai écrit ces choses, et je sais que mon témoignage est vrai ? Il est de toute évidence que c'est là le genre des historiens. Et qui pourrait compter les passages où le Seigneur même parle de lui à la troisième personne? «Quand le fils de l'homme viendra », nous dit-il, « pensez-vous qu'il trouvera de la foi sur la terre[^6]? » Il ne dit pas: Quand je viendrai, pensez-vous que je trouverai ? Et ailleurs : « Le Fils de l'homme est venu, mangeant et buvant[^7] ». Il ne dit pas: Je suis venu. Et encore: «Une heure viendra, et elle est déjà venue, où les morts entendront la voix du Fils de Dieu, et ceux qui l'auront entendue, vivront[^8] ». Il ne dit pas : Ma voix. Et ainsi dans beaucoup d'autres passages. Mais en voilà assez, je pense, et pour éclairer les fidèles et pour confondre les calomniateurs.
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Matt. IX, 9.
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Exod. III, 3.
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Id. VII, 6.
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Lev. I, 1.
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Exod. IV, 19.
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Jean, XXI, 20, 21.
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Luc, XVIII, 8.
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Matt. XI, 19.
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Jean, V, 25.
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Reply to Faustus the Manichaean
4.
Faustus thinks himself wonderfully clever in proving that Matthew was not the writer of this Gospel, because, when speaking of his own election, he says not, He saw me, and said to me, Follow me; but, He saw him, and said to him, Follow me. This must have been said either in ignorance or from a design to mislead. Faustus can hardly be so ignorant as not to have read or heard that narrators, when speaking of themselves, often use a construction as if speaking of another. It is more probable that Faustus wished to bewilder those more ignorant than himself, in the hope of getting hold on not a few unacquainted with these things. It is needless to resort to other writings to quote examples of this construction from profane authors for the information of our friends, and for the refutation of Faustus. We find examples in passages quoted above from Moses by Faustus himself, without any denial, or rather with the assertion, that they were written by Moses, only not written of Christ. When Moses, then, writes of himself, does he say, I said this, or I did that, and not rather, Moses said, and Moses did? Or does he say, The Lord called me, The Lord said to me, and not rather, The Lord called Moses, The Lord said to Moses, and so on? So Matthew, too, speaks of himself in the third person. And John does the same; for towards the end of his book he says: "Peter, turning, saw the disciple whom Jesus loved, who also lay on His breast at supper, and who said to the Lord, Who is it that shall betray Thee?" Does he say, Peter, turning, saw me? Or will you argue from this that John did not write this Gospel? But he adds a little after: "This is the disciple that testifies of Jesus, and has written these things; and we know that his testimony is true." 1 Does he say, I am the disciple who testify of Jesus, and who have written these things, and we know that my testimony is true? Evidently this style is common in writers of narratives. There are innumerable instances in which the Lord Himself uses it. "When the Son of man," He says, "cometh, shall He find faith on the earth?" 2 Not, When I come, shall I find? Again, "The Son of man came eating and drinking;" 3 not, I came. Again, "The hour shall come, and now is, when the dead shall hear the voice of the Son of God, and they that hear shall live;" 4 not, My voice. And so in many other places. This may suffice to satisfy inquirers and to refute scoffers.