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Œuvres Augustin d'Hippone (354-430) Contra Faustum Manichaeum Contre Fauste, le manichéen
LIVRE QUINZIÈME. LES MANICHÉENS ET LES CATHOLIQUES.

CHAPITRE VI. SUITE DE L'APOSTROPHE. RÊVERIES MANICHÉENNES.

Il est donc prouvé que tu adores des dieux sans nombre, et que tu rejettes la saine doctrine qui nous enseigne un Fils unique, né d'un Dieu unique, et un Esprit-Saint procédant des deux. Et non-seulement il n'est pas permis de parler de dieux sans nombre, mais pas même de trois dieux : puisque non-seulement il n'y a- qu'une seule et même substance, mais encore une seule et même opération par une seule et même substance propre, et que la distinction des personnes se révèle même par la créature matérielle. Tu ne comprends pas cela, tu ne le saisis pas : je le sais, tu es pleine, tu es enivrée, tu es saturée de fables sacrilèges. Digère donc enfin ce que trahit ton haleine, et cesse de t'ingurgiter de la sorte; en attendant, poursuis ton chant, et vois, si tu le peux, la honte de ta fornication. La doctrine de tes démons menteurs t'a introduite dans un chimérique séjour des anges, où souffle un vent frais, et dans des champs parfumés, où les arbres et les montagnes, les mers et les fleuves donnent un doux nectar dans tout le cours des siècles. Et tu l'as cru ! et tu t'es imaginé tout cela dans ton coeur ! Et livrée à la luxure et à la débauche, tu t'es bercée de vains souvenirs ! Car quand on emploie un langage de ce genre pour exprimer l'ineffable abondance des délices spirituelles, on parle évidemment en énigme; c'est pour que l'âme qui s'occupe de ces sujets sache qu'il y a, là, quelque autre sens à chercher et à saisir, soit qu'un objet matériel soit présenté réellement aux sens du corps, comme le feu dans le buisson[^10], la verge changée en serpent et le serpent redevenu verge[^11], la tunique du Seigneur qui n'est point partagée par les bourreaux[^12], le parfum répandu respectueusement sur les pieds ou sur la tête du Christ par une femme[^13], les palmes aux mains de la multitude qui précède et suit l'âne sur lequel il est monté[^14] : soit que les objets soient présentés en figures à l'esprit par des images corporelles, ou en songe, ou dans le ravissement, comme à Jacob les échelles[^1]; à Daniel, la pierre détachée sans le travail des mains et devenue une montagne[^2]; à Pierre la nappe[^3], et à Jean tant d'autres choses[^4] : soit que le langage soit simplement figuré, comme dans le Cantique des cantiques[^5]; dans la parabole évangélique du père de famille qui fait les noces de son fils[^6]; dans celle de l'homme qui avait deux fils, l'un rangé et l'autre livré à la débauche[^7], ou de l'homme qui planta une vigne et la loua à des vignerons[^8]. Mais tu loues précisément Manès d'être venu le dernier, non pour tenir ce langage, mais pour en donner l'explication, de manière à interpréter les anciennes figures, à présenter ses récits et ses discussions avec la plus grande clarté, sans jamais s'envelopper d'énigme et d'obscurité. Et pour justifier cette, présomption, tu prétends que les anciens, dans tout ce qu'ils ont vu, fait ou dit en figure, savaient qu'il devait venir un jour pour tout révéler, et que lui, sachant que personne ne viendrait après lui, a exposé ses sentiments sans allégories et sans détours. Que devient donc ton affection souillée par des désirs charnels, au milieu des champs et des forêts épaisses, des couronnes de fleurs et des parfums? S'il n'y a pas là d'énigmes pour la raison, il y a des, fantômes pour l'imagination ou de l'égarement pour la folie. Mais si on dit qu'il y a des énigmes, pourquoi ne fuis-tu pas l'adultère, qui te promet la vérité claire pour t’allécher, et se rit de toi par ses mensonges et ses fables quand il t’a attirée? Ses ministres, infectés aussi de ces vanités, les malheureux ! n'ont-ils pas l'habitude de mettre, pour amorce à leur hameçon, ces paroles de l'apôtre Paul : « Car c'est imparfaitement que nous connaissons, et imparfaitement que; nous prophétisons, mais quand viendra ce qui est parfait, alors s'anéantira ce qui est imparfait » ; et encore : « Nous voyons maintenant à travers un miroir, en énigme mais alors nous verrons face à face[^9]». En sorte que l'apôtre Paul a imparfaitement connu, imparfaitement prophétisé ne voyant qu'à travers un miroir et en énigme : et que tout cela doit disparaître à l'arrivée de Manès, qui apportera ce qui est parfait, de manière à ce qu'on voie la vérité face à face. O lascive, ô immonde créature, tu tiens encore ce langage saris rougir, tu te repais encore de vent, tu embrasses encore les idoles de ton coeur ? Quoi ! tu as vu face à face le roi porte-sceptre assis sur son trône, couronné de fleurs, et les troupes de dieux, et le grand porte-lumière ayant six visages et six bouches et rayonnant de lumière ; et un autre roi d'honneur, entouré des armées des anges; et un autre, amant, héros guerrier, tenant de sa droite une lance et de sa gauche un bouclier; puis un autre encore, roi glorieux qui pousse trois roues, celle du feu, celle de l'eau, et celle du vent : et le colossal Atlas, portant le monde sur ses épaules, et le soutenant de ses deux bras en s'appuyant sur un genou? As-tu réellement vu face à face ces merveilles et mille autres de ce genre, ou n'est-ce point la doctrine de démons menteurs, que des imposteurs te chantent à ton insu? Malheur à toi, infortunée ! voilà les fantômes auxquels tu te prostitues, les vanités que tu suces au lieu de la vérité; et enivrée à la coupe du serpent, tu oses insulter, à propos des deux tables de pierre, à la chaste matrone, épouse du Fils unique de Dieu; parce qu'elle n'est plus sous le joug de la loi, mais sous l'empire de la grâce, parce que, ne s'enflant point de ses oeuvres, ne se laissant pas abattre par la terreur, elle vit de foi, d'espérance et de charité, devenue Israël en qui il n'y a pas d'artifice[^15], et attentive à ce qui est écrit : « Le Seigneur ton Dieu est le seul Dieu[^16] »: tandis que toi, pour n'avoir pas écouté ces paroles, tu t'es prostituée à une multitude de faux dieux.

  1. Ex. III, 2.

  2. Id. IV, 2-4.

  3. Jean, XIX, 24.

  4. Matt. XXVI, 7; Jean, XII, 3.

  5. Matt. XXII, 7-9.

  6. Gen. XXVIII, 12.

  7. Dan. II, 34, 35.

  8. Act. X, 11.

  9. Apoc. I, etc.

  10. Cant. I, etc.

  11. Matt. XXII, 2-14.

  12. Luc, XV, 11-32.

  13. Matt, XXI, 33.

  14. Cor. XIII, 9, 10. 12.

  15. Jean, I, 45.

  16. Deut. VI, 4.

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