CHAPITRE XVII. MOÏSE FIGURE DU CHRIST.
Comme il est ordinaire dans les mystérieuses allégories des saintes Ecritures, que le même personnage joue différents rôles selon l'objet qu'il doit figurer, Moïse représentait en sa personne le peuple juif constitué sous la loi et le figurait au point de vue prophétique. Comme donc Moïse a douté de la puissance de Dieu en frappant le rocher de sa verge; ainsi ce peuple, asservi à la loi donnée par Moïse, en attachant le Christ au bois de la croix, n'a pas cru qu'il fût la vertu de Dieu. Mais comme la pierre frappée a fourni de l'eau aux Juifs altérés; ainsi la plaie du Dieu souffrant est devenue la source de vie pour les croyants. Nous avons là-dessus le témoignage très-clair et très-fidèle de l'Apôtre, qui, en en parlant, nous dit: « Or, cette pierre était le Christ[^1] ». Dieu fait donc mourir cette incrédulité toute charnelle à la divinité du Christ, sur les hauteurs mêmes du Christ, lorsqu'il exige la mort corporelle de Moïse sur la montagne. Car comme le Christ est la pierre, le Christ est aussi la montagne : la pierre est la force dans l'humilité; la montagne l'élévation dans la grandeur. Comme l'Apôtre a dit: « Cette pierre était le Christ », le Seigneur lui-même a dit : « Une ville ne peut être cachée, quand elle est située sur une montagne[^2] » : laissant entendre par là qu'il est la montagne, et que les fidèles établis sur la gloire de son nom, sont la ville. La prudence de la chair vit, quand l'humilité du Christ, comme la pierre qu'on frappe, est un objet de mépris sur la croix : car le Christ crucifié est un scandale pour les Juifs et une folie pour les Gentils. Mais la prudence de la chair meurt, quand le Christ, comme une haute montagne, est reconnu pour le Très-Haut; car après la vocation des Juifs mêmes et des Gentils, le Christ est la vertu de Dieu et la sagesse de Dieu[^3]. Moïse monte donc sur la montagne pour mourir corporellement et être reçu avec un esprit vivant ; mais Fauste n'y est pas monté pour débiter ses calomnies charnelles avec un esprit mort. Et Pierre, guidé par la prudence de la chair, n'a-t-il pas redouté de voir frapper la pierre même, quand il disait au Seigneur qui annonçait sa passion : « A Dieu ne plaise, Seigneur, cela n'arrivera point ; ayez pitié de vous-même? » Et le Seigneur n'a pas ménagé cette faute, quand il lui répondit : « Arrière, Satan ! tu es un scandale pour moi : car tu ne goûtes pas ce qui est de Dieu, mais ce qui est des hommes[^4] ». Or, où est morte cette défiance charnelle, sinon dans la glorification du Christ, figurée par la hauteur de la montagne? Car elle vivait dans Pierre, quand il aimait timidement son maître ; et elle était certainement morte, quand il le prêchait librement. Elle vivait dans Saul, quand il détestait le scandale de la croix et persécutait la foi chrétienne[^5] ; et où mourut-elle, sinon sur cette montagne, alors que Paul disait : « Moi je vis, non plus moi, mais le Christ vit en moi[^6] ».
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I Cor. X, 4.
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Matt. V, 14.
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I Cor. I, 23, 24.
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Matt. XVI, 22, 23.
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Act. VIII, 3.
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Gal. II, 20.