CHAPITRE PREMIER. FAUSTE NIE L'AUTHENTICITÉ DE CE TEXTE DE SAINT MATTHIEU : « JE NE SUIS PAS VENU ABOLIR LA LOI ET LES PROPHÈTES, MAIS LES ACCOMPLIR ».
Fauste. Pourquoi ne recevez-vous pas la loi et les Prophètes, quand le Christ dit qu'il n'est pas venu les abolir, mais les accomplir[^1] ? — Qui nous assure que Jésus a dit cela? Matthieu. Où l'a-t-il dit? Sur la montagne. En présence de qui? De Pierre, d'André, de Jacques et de Jean : car il n'avait pas encore choisi ses autres Apôtres, pas même Matthieu. Et un seul de ces quatre, Jean, a écrit un évangile? Oui. Et parle-t-il de cela? Nulle part. Comment donc ce que Jean, qui était sur la montagne, n'atteste pas, Matthieu l'écrit-il, lui qui n'a suivi Jésus que longtemps après qu'il était descendu de la montagne ? Première raison de douter que Jésus ait dit cela : le témoin le plus croyable n'en dit rien, le moins admissible en parle. Nous pouvons d'abord supposer que Matthieu se joue de nous, en attendant que nous prouvions que ce n'est pas même lui qui a écrit cela, mais je ne sais qui sous son nom : comme nous pouvons le conclure du récit en style indirect de ce même Matthieu. Comment s'exprime-t-il en effet? « Et comme Jésus passait, il vit un homme nommé Matthieu assis au bureau des impôts, et il l'appela; et se levant aussitôt, il le suivit[^2] ». Quel est l'homme qui écrira, en parlant de lui-même : « Il vit un homme, et il l'appela, et il le suivit? » Qui ne dira pas plutôt : Il me vit, il m'appela et je le suivis? Il est donc clair que ce n'est point Matthieu qui a écrit cela, mais je ne sais qui sous son nom. Or, si ce serait une fausseté quand même Matthieu l'aurait écrite, puisqu'il n'était pas là quand Jésus parlait sur la montagne; à combien plus forte raison n'y faudrait-il pas croire, puisque ce n'est point Matthieu qui a écrit cela, mais quelque autre sous les noms de Jésus et de Matthieu.
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Matt. V, 17.
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Id. V, 9.