CHAPITRE XXXI. LE MOT DE « ROYAUME DES CIEUX » NE SE TROUVE PAS DANS L'ANCIEN TESTAMENT, OU NÉANMOINS LA FOI A LA VIE ÉTERNELLE EST EXPRIMÉE.
Enfin, je ne sais si je me hasarde en disant qu'on ne trouvera pas dans ces livres le nom du royaume des cieux, que le Seigneur répète si souvent. On y dit, il est vrai : « Aimez la sagesse, pour régner à jamais[^1] ». Et si on n'y eût parlé clairement de la vie éternelle, le Seigneur n'aurait pas dit aux méchants Juifs : « Scrutez les Ecritures, puisque vous pensez avoir en elles la vie éternelle; car ce sont elles qui rendent témoignage de moi[^2]». Peut-on, en effet, trouver un autre sens dans ces passages : « Je ne mourrai pas, mais je vivrai, et je raconterai les oeuvres du Seigneur[^3]; éclairez mes yeux, pour que je ne m'endorme pas dans la mort[^4] : les âmes des justes sont dans la main de Dieu et le supplice ne les atteindra pas», et peu après : Mais ils sont en paix; et si, devant les hommes, ils ont souffert des tourments, leur espérance est pleine d'immortalité; leur affliction a été légère et leur bonheur sera grand[^5] » ; et ailleurs : « Mais les justes vivront à jamais; près du Seigneur est leur récompense et leur pensée près du Très-Haut; c'est pourquoi ils recevront le royaume d'honneur et le diadème de gloire de la main de Dieu[^6] ? » Ces passages et beaucoup d'autres, ou très-clairs, ou quelque peu obscurs, qu'on trouve dans ces livres, sont des témoignages de la vie éternelle. Les Prophètes ont même parlé de la résurrection du corps ; aussi les Pharisiens combattaient-ils vivement les Sadducéens qui n'y croyaient pas, c'est ce que nous voyons clairement, non-seulement dans le livre canonique des Actes des Apôtres, que les Manichéens rejettent pour ne pas être forcés d'admettre la descente du vrai Paraclet que le Seigneur a promis[^7]; mais même dans l'Evangile, où les Sadducéens demandent au Sauveur à qui, lors de la résurrection, appartiendra une femme qui avait épousé successivement sept frères, morts les uns après les autres. Ainsi l'ancienne Ecriture abonde en témoignages sur la vie éternelle et la résurrection des morts; mais je ne me souviens pas d'y avoir rencontré nulle part ce mot de royaume des cieux. Il appartient effectivement en propre à la révélation du Nouveau Testament, parce que les corps qui auront d'abord été terrestres, en vertu du changement dont Paul parle en termes exprès, deviendront spirituels lors de la résurrection[^8] et par là même célestes, afin que nous possédions mieux le royaume des cieux. Et ce nom restait réservé pour la bouche de Celui que toute la pompe déployée dans l'Ancien Testament : générations, actes, paroles, sacrifices, observances, solennités, éloges et louanges, faits accomplis, objets figurés, que tout, dis-je, enfantait et annonçait comme le roi destiné à gouverner, le prêtre chargé de sanctifier un jour ses fidèles; Celui qui, plein de grâce et de vérité, aidant par sa grâce à exécuter les commandements, veillant par la vérité à la réalisation des promesses, est venu, non abolir la loi, mais l'accomplir.
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Sag. VI, 22.
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Jean, V, 39.
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Ps. CXVII, 17.
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Id. XII, 4.
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Sag. III, 1-5.
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Sag. V, 16, 17.
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Act. XXII, 6-9.
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I Cor. XV, 42-44.