CHAPITRE II. A QUI CROIRE, DE SAINT MATTHIEU OU DE MANÈS ?
Augustin. Tu ne cesses de te poser des questions que ne t'adressent point ceux qui te réfutent. Personne ne te dit que le Christ ne pouvait mourir sans être né, puisqu'Adam est mort quoiqu'il ne fût point né. On te dit simplement : Le Christ est né puisque cela est dit, non par un hérétique quelconque, mais par le saint Evangile ; il est mort, puisqu'on le lit, non dans un livre hérétique quelconque, mais dans le saint Evangile; mais toi qui défends d'argumenter quand il s'agit de Jésus, qui veux qu'on s'en rapporte à ce qu'il a dit de lui-même, à ce qu'en ont prêché les Apôtres: si je cite les premières lignes de sols apôtre Matthieu, où sa naissance est racontée, tu t'écries aussitôt que ce récit n'est pas de Matthieu, bien que l'Eglise universelle, perpétuée des Apôtres jusqu'aux évêques d'aujourd'hui par une succession certaine, affirme qu'il est de Matthieu. Et, à ce livre, quel livre m'opposeras-tu? Peut-être un livre de Manès, où l'on nie que Jésus soit né d'une vierge. De même donc que je crois que ce livre est de Manès, parce qu'il a été conservé et transmis, depuis le temps où Manès vivait, jusqu'au moment présent, par ses disciples et la succession certaine de vos chefs; crois donc aussi que cet autre livre est de Matthieu, puisque l'Eglise l'a maintenu jusqu'à nos jours, depuis le temps où Matthieu vivait en personne, et cela à travers la suite des siècles et par une succession non interrompue. Et dis-moi un peu auquel nous devons plutôt ajouter foi : ou au livre d'un Apôtre qui a suivi le Christ pendant qu'il était encore sur la terre, ou à celui de je ne sais quel Persan qui est né si longtemps après? Mais, peut-être, nous montreras-tu un autre livre, qui porte le nom de quelque apôtre certainement choisi par le Christ et où tu liras que le Christ n'est pas né de Marie. Mais comme il faudrait nécessairement que l'un de ces deux livres fût menteur, auquel penses-tu que nous devions donner la préférence ? Est-ce à celui que l'Eglise, fondée par le Christ lui-même, propagée par les Apôtres et par leurs successeurs, jusqu'aujourd'hui, répandue dans le monde entier, approuve et reconnaît comme donné dès le commencement et conservé ; ou à celui que cette même Eglise ne connaît point et réprouve, quand il lui est présenté par des hommes tellement amis de la vérité, qu'ils louent le Christ d'avoir menti ?