XXXII.
Mais ils s'en gardent bien. En effet, ce patriarche des nations, dans lesquelles nous voyons l'accomplissement fidèle des promesses qui lui furent faites, ils ne craignent pas de l'accuser du crime de fornication. En fallait-il davantage pour que notre adversaire dût se ranger au nombre de ceux dont l'Apôtre a dit : « L'Esprit de Dieu déclare ouvertement que, dans les temps à venir, quelques-uns abandonneront la foi pour suivre des esprits d'erreur et des doctrines diaboliques, enseignées par des imposteurs pleins d'hypocrisie, dont la conscience est noircie de crimes, et qui interdiront le mariage1? » On ne voit nulle part qu'Abraham se soit souillé dans l'adultère. Il aima sa servante, mais ce ne fut pas par un instinct de lubricité, puisqu'il la reçut des mains mêmes de son épouse, laquelle, frappée jusque-là de stérilité, se crut libre de disposer de son droit et voulut avoir des enfants de son mari, quoique d'une autre alliance2. Le libertinage n'est donc pour rien ici; on ne doit y voir que le désir de la postérité. Ce même Abraham, parvenu à la vieillesse la plus décrépite, ne trouve pas même grâce devant notre adversaire qui l'accuse de fornication, parce qu'après la mort de Sara il prit une autre épouse3. En supposant même qu'il n'y ait dans ce fait aucun mystère caché, je dis qu'Abraham dût en agir ainsi quand il n'aurait eu d'autre but que de confondre à l'avance ces. hérétiques qui, contrairement à la doctrine de l'Apôtre, condamnent comme un crime le second mariage après la, mort de la première épouse. Tertullien lui-même est tombé dans cette erreur. Mais puisque, dans les lettres apostoliques, notre adversaire trouve un si grand nombre de passages à opposer à la loi donnée par Moïse et à l'Ancien Testament; qu'il cherche donc dans l'Évangile une accusation formulée contre Abraham, il n'en trouvera aucune. Partout où son nom apparaît dans les livres du Nouveau Testament, il est environné d'honneur et de gloire. Le Sauveur va jusqu'à dire aux Juifs : « Si vous êtes les enfants d'Abraham, accomplissez donc les oeuvres d'Abraham4 ». Blasphémer Abraham, c'est donc blasphémer Jésus-Christ, qui a rendu d'Abraham un témoignage aussi éclatant.