LIII.
Texte de la lettre : « Et d'une autre main : Je souhaite que la lumière vous éclaire et garde votre esprit sain et sauf ; je souhaite aussi que vous vous absteniez de faire mourir des innocents ». Réponse: C'est plutôt à vous à adoucir votre esprit en ouvrant les yeux à la lumière, si vous voulez que le tribun,. loin de sévir contre vous,.use à votre égard de la plus grande indulgence. Qui donc pourrait montrer plus de douceur que ce tribun auquel vous avez écrit et. qui vous invite à jouir de la vie, et, si vous refusez de la passer avec nous, vous autorise à prendre la fuite ? C'est vous qui contre vous-mêmes êtes durs, barbares, cruels, dépourvus de tout sentiment d'humanité, exerçant contre vous-mêmes une cruauté que connaissent seuls, contre leurs ennemis, les victimes de l'erreur, et les persécuteurs du genre humain; cruauté qui est pour les ennemis de l'erreur et pour les amis des hommes la cause des regrets les plus amers. Pourquoi .donc souhaitez-vous que le tribun s'abstienne de faire périr les innocents ? Tout d'abord l'innocence ne vous appartient pas ; toutefois, tandis que le tribun vous autorise à prendre la fuite, vous vous obstinez à courir à la mort. Il me semble que vous vous êtes mépris sur le sens des mots, et que vous avez pris l'une pour l'autre les deux expressions dont l'une signifie la mort et l'autre la délivrance. Quand donc vous suppliez l'exécuteur des lois impériales de s'abstenir de faire périr les innocents, vous demandez en réalité qu'il épargne les imposteurs et qu'il permette que les innocents soient trompés impunément. N'est-ce pas lui demander, sans vous en douter, de violer la fidélité qu'il a jurée à Dieu et à l'empereur? En effet, si l'on en croit, non pas la justice véritable, mais la vôtre, on doit refuser aux empereurs le droit de guérir les divisions calomnieuses, et leur imposer l'obligation de les confirmer quand elles sont établies ? Si cette doctrine, dont la source m'est inconnue, mais qui assurément n'est pas celle des saintes Ecritures, vous paraît la doctrine véritable, si vous êtes pleinement convaincus que la puissance impériale doit rester absolument étrangère aux affaires religieuses, comment donc vos ancêtres ont-ils pu l'ignorer jusqu'au point de porter au tribunal de l'empereur Constantin la cause de Cécilianus? Parce que les lions ont épargné Daniel à cause de son innocence, vous voulez que l'empereur épargne ceux dont les calomnies l'ont exposé à la fureur de ces lions ? Mais heureusement que le jugement de l'homme ne fixe pas toujours le jugement de Dieu, qui tient dans sa main le coeur des rois et qui lui imprime le mouvement qui lui plaît1. Or, quand le coeur du roi est infidèle, c'est pour les bons un moment de souffrances ou d'épreuves; au contraire, quand il se laisse diriger par la volonté de Dieu, les méchants se voient dans la nécessité ou de changer ou de fléchir sous le poids du châtiment. Quant à votre situation présente, nous avons suffisamment montré dans laquelle de ces deux hypothèses vous vous trouvez, votre lettre elle-même ne laisse aucun doute à ce sujet. Quoi qu'il en soit, nous espérons toujours que, par la miséricorde de Dieu, ces épreuves, si elles ne vous servent pas, serviront du moins à quelques-uns d'entre vous.
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Prov. XXI, 1. ↩