CHAPITRE XVIII. D'UN SAINT MARIAGE COMMENT PEUVENT NAÎTRE DES ENFANTS DE COLÈRE.
20. C'est grâce encore à cette triste concupiscence que nous voyons les mariages les plus saints et les plus légitimes donner naissance, non pas à des enfants de Dieu, mais à des enfants de colère. J'admets que les parents sont régénérés à la grâce, mais s'ils engendrent c'est comme enfants de ce siècle, et non pas comme enfants de Dieu. L'oracle de Jésus-Christ est formel sur ce point : « Les enfants et de ce siècle engendrent et sont engendrés1». Par cela même que nous sommes encore enfants de ce siècle, notre homme extérieur est corrompu, nous ne pouvons donner naissance qu'à des, enfants de ce siècle, qui ne deviennent enfants de Dieu que par la régénération spirituelle. D'un autre côté, en tant que nous sommes enfants de Dieu, notre homme intérieur se renouvelle de jour en jour2. Quant à l'homme extérieur, il est lui-même sanctifié par le bain de la régénération, et il a reçu l'espérance de l'incorruption future ; voilà pourquoi il est justement appelé le temple de Dieu. « Votre corps », dit l'Apôtre, «est le temple du Saint-Esprit qui réside en vous, et qui vous a été donné de Dieu; vous n'êtes donc plus à vous, car vous avez été rachetés d'un grand prix. Glorifiez donc Dieu et portez-le dans votre corps3 ». Ces belles paroles s'appliquent non-seulement à la sanctification présente, mais surtout à cette espérance que le même Apôtre nous décrit en ces termes : « Nous aussi nous possédons les prémices de l'Esprit, nous gémissons en nous mêmes, attendant l'effet de l'adoption divine, la rédemption de notre corps ». Si donc, selon l'Apôtre, nous attendons la rédemption de notre corps, n'est-Il pas évident que nous ne la possédons pas encore, puisqu'on ne désire une chose que parce qu'on ne la possède pas? Voici ce que saint Paul ajoute : « En effet nous ne sommes encore sauvés qu'en espérance. Or, l'espérance qui se voit n'est plus l'espérance, car espère-t-on ce que l'on voit déjà? Si donc nous espérons ce que nous ne voyons pas encore, nous l'attendons avec patience4 ». Ce n'est donc pas à ce que nous attendons, mais à ce que nous tolérons que les enfants doivent leur propagation charnelle. Par conséquent, ces paroles que l'Apôtre adresse aux maris chrétiens : « Aimez vos épouses », ne peuvent pas signifier que l'homme doit aimer la concupiscence de la chair dans sa femme, puisqu'il ne doit même pas l'aimer en lui-même. C'est du reste ce que nous enseigne clairement un autre apôtre: « N'aimez ni le monde, ni les choses qui sont dans le monde; quiconque aime le monde, la charité du Père n'est pas en lui, car tout a ce qui est dans le monde est concupiscence de la chair, concupiscence des yeux et ambition du siècle, toutes choses qui ne sont pas du Père, mais du monde. Le monde passera, lui et sa concupiscence ; quant à celui qui aura fait la volonté de Dieu, il demeure a éternellement, comme Dieu demeure éternellement5 ».