9.
Permettez-moi de vous rappeler brièvement l'objet en question. Les catholiques affirment que la nature humaine est sortie bonne des mains du Créateur, mais que, ayant été viciée par le péché, elle a besoin d'être guérie par Jésus-Christ. Les Manichéens soutiennent que la nature humaine n'a été ni créée bonne par Dieu, ni viciée par le péché, mais que l'homme a été créé, sous l'empire du prince des ténèbres éternelles, du mélange de deux natures éternelles, l'une bonne et l'autre mauvaise. Les Pélagiens et les Célestiens disent que la nature humaine a été créée bonne par Dieu, qu'elle est parfaitement saine et innocente dans les enfants qui viennent de naître, et qui dès lors n'ont aucun besoin de la -rédemption de Jésus-Christ. D'après votre croyance appliquez-vous à vous-même le nom qui vous convient, et cessez d'opposer aux catholiques un nom et une croyance qu'ils retournent contre vous. En effet, la vérité vous condamne les uns et les autres, vous et les Manichéens. Elle dit aux Manichéens : « N'avez-vous pas lu que celui qui a fait l'homme dès le commence ment, les a créés homme et femme ? Et il a dit : Voilà pourquoi l'homme quittera son père et sa mère pour s'attacher à son épouse, et ils seront deux dans une seule chair; ils ne sont donc plus deux, mais une seule chair. Dès lors, ce que Dieu a uni, que l'homme ne le sépare point1 ». Ce texte ne prouve-t-il pas que Dieu est le créateur de l'homme et l'auteur du mariage, deux vérités niées par les Manichéens ? Quant à vous, voici ce que vous dit la Vérité : « Le Fils de l'homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu2 ». De votre côté, illustres chrétiens, répondez à Jésus-Christ : Si vous êtes venu chercher et sauver ce qui était perdu, vous n'êtes donc pas venu pour les enfants ; car ils n'étaient pas perdus, et ils apportaient leur salut en naissant; approchez-vous donc des adultes, nous vous le prescrivons sur l'autorité même de votre parole : « Le médecin est nécessaire, non pas à ceux qui se portent bien, mais à ceux qui sont malades3 ». Les Manichéens, en soutenant que la nature de l'homme est mauvaise, admettent du moins que l'âme bonne est sauvée par Jésus-Christ; vous, au contraire, en attribuant d'une manière absolue le salut aux enfants, vous ne rendez possible pour eux aucune application de la rédemption de Jésus-Christ. Les Manichéens avilissent indignement la nature humaine ; vous la louez, je l'avoue, mais vos éloges sont plus cruels encore. Ceux qui ajouteraient foi à vos éloges ne se dispenseraient-ils pas de présenter leurs enfants au Sauveur? Avec des dispositions aussi criminelles, à quoi vous sert-il de ne pas craindre ce qui devrait vous inspirer une terreur salutaire et vous rappeler que vous êtes un homme et non une bête sauvage que l'on environne de barrières pour la faire tomber dans le piège? Vous aviez besoin de conserver la vérité, et tant de zèle que vous ayez pour elle, vous n'auriez rien à craindre; vous craignez cependant, mais la crainte qui vous assiège n'est pas celle qui peut vous faire échapper aux embûches du démon, au lieu d'en devenir la victime. L'Eglise catholique, notre mère, vous effraie, parce qu'elle craint pour vous et pour les autres par vous; et si elle inspire, à ceux de ses enfants qui ont en main la puissance, la pensée de vous frapper de terreur, ce n'est point par esprit de cruauté, mais par charité. Mais voici que, fier de vos forces, vous regardez comme une lâcheté de craindre les hommes. Craignez donc le Seigneur, et ne cherchez pas à renverser par votre obstination les antiques fondements de la foi catholique. J'admire votre courage, mais je voudrais vous voir craindre quelque peu les hommes; plutôt que de voir périr l'audace, je désirerais voir trembler la faiblesse.