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Passez à autre chose et entassez sophismes sur sophismes ; je n'appelle pas sophismes les passages que vous empruntez à la sainte Ecriture, mais les conclusions qu'il vous plaît d'en tirer. Par exemple, vous affirmez que l'ignorance parfaite s'appelle la justice, puisque Dieu, s'adressant à Abimélech qui avait voulu épouser Sara dans l'ignorance où il était qu'elle fût la femme d'un autre, lui rend ce témoignage : Je savais que vous agissiez alors dans toute la pureté de votre coeur1. De là vous concluez que les enfants, à leur naissance, ne sauraient être souillés par la volonté de leurs parents, car », dites-vous, «lors même que cette volonté serait mauvaise, elle resterait parfaitement inconnue des enfants ». Mais alors, pourquoi donc ne leur décernez-vous pas le titre de justes, si l'ignorance parfaite doit se nommer la justice? En effet, il n'y a rien de plus parfait que l'ignorance des enfants; il ne doit donc non plus y avoir rien de plus juste. Maintenant, que penser de cette proposition par vous émise précédemment : « Les enfants ne naissent ni justes ni injustes, ce n'est que par la suite qu'ils le deviendront dans leurs actes ; tout ce que nous pouvons affirmer, c'est que l'enfance est douée de l'innocence ». N'est-ce pas vous également qui avez dit: «L'homme naît, il est vrai, doué d'innocence, mais naît-il également capable de vertu et devant mériter l'éloge ou le blâme, pour des déterminations actuelles de sa volonté ? » N'iriez-vous pas jusqu'à dire, par hasard, que la vertu n'est pas la justice? Comment donc un enfant peut-il n'avoir de la vertu que la capacité et non la plénitude, quand il est plein de cette ignorance que vous nommez la justice? Vous mettez donc une différence essentielle entre la vertu et la justice? L'éclat écrasant d'une pareille absurdité ne vous tirera-t-il jamais de votre sommeil; ne vous repentirez-vous jamais d'un semblable langage ? Les paroles du Seigneur veillent, mais vous, vous dormez. Il n'est pas dit au roi : Je savais que votre coeur est juste, ou qu'il est pur, car il est écrit : «Bienheureux a ceux qui ont le coeur pur, parce qu'ils verront Dieu2 ». Or, vous ne nous parlez d'Abimélech que comme d'un pécheur. Mais, dit le Seigneur «je savais que vous agissiez alors a dans toute la pureté de votre coeur ». Il ne s'agit pas de toutes ses oeuvres, ou de quelque autre que ce soit, mais de cette action en particulier, dans laquelle il n'obéissait à aucune pensée d'adultère.
