46.
Appuyé sur l'Evangile, j'ai présenté comme véritable « le mariage de Joseph et de Marie1 ». Vous protestez longuement contre cette doctrine, et vous prétendez prouver qu' « il n'y a pas eu de mariage entre eux, «puisqu'ils ne se sont pas connus ». Il suivrait de là que la cessation des relations conjugales entraîne la dissolution du mariage, et par là même le divorce. Pour s'épargner ce malheur, que les époux décrépits par l'âge fassent comme ils peuvent ce qu'ils faisaient étant jeunes ; qu'ils soient sans miséricorde pour leur corps, quand il s'agit de cet acte conjugal que vous entourez d'une prédilection si prononcée, quoique vous fassiez profession de continence. Qu'ils oublient leur âge, dès qu'il s'agit de cette passion, s'ils tiennent à rester époux. Si cette doctrine vous agrée, c'est votre affaire. Pour moi, sans oublier que l'on doit chercher dans le mariage le remède à la faiblesse charnelle, et la gloire de se créer une postérité, je trouve dans cet état trois sortes de biens ; d'abord la fidélité que se doivent les époux et qui les éloigne de l'adultère, ensuite la postérité en vue de laquelle s'opère l'union des sexes ; enfin, surtout pour le peuple de Dieu, l'indissolubilité sacramentelle qui défend à un époux de se séparer de son épouse, fût-elle frappée de stérilité, ou d'une fécondité telle que son époux, irrité d'un trop grand nombre d'enfants, l'abandonnerait à un autre, comme le fit Caton, si du moins il faut en croire la tradition2. Or, dans le mariage de Joseph et de Marie, dont nous parle l'Evangile, j'ai trouvé réalisés ces trois biens du mariage : «La fidélité, car l'adultère y fut inconnu ; la postérité, c'est-à-dire Notre-Seigneur Jésus-Christ, et enfin le sacrement, puisqu'il n'y eut pas de divorce ». Mais, parce que j'ai dit que ces trois biens du mariage s'étaient réalisés dans le mariage des parents de Jésus-Christ, doit-on me prêter, comme vous l'insinuez, le crime d'avoir dit qu' « on doit regarder comme mauvais tout mariage où ces trois biens ne se rencontrent pas de la même manière ? » Je proclame bon le mariage dans lequel la postérité n'est possible que par l'union des deux sexes. Si cette postérité était possible autrement, et que néanmoins les époux se connussent, ils prouveraient clairement qu'ils cèdent à la concupiscence, et alors ils feraient de ce mal lui-même un mauvais usage. Mais comme la constitution même des deux sexes nous prouve que ce n'est que par leur union que la postérité est possible, nous disons que les époux en se connaissant dans ce but font un bon usage du mal de la concupiscence ; et pourtant, si même alors ils demandent à la volupté la pure satisfaction de la volupté, ils commettent une faute vénielle.
