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Le plus inébranlable argument en faveur de votre cause, vous le réserviez pour la fin; c'est ce passage du prophète Ezéchiel, dans lequel nous lisons qu'il n'y aura plus de ces paraboles dans lesquelles on disait que les parents avaient mangé le raisin amer et agacé les dents de leurs enfants; le fils ne mourra plus dans le péché de son père, ni le père dans le péché de son fils, il n'y aura plus pour mourir que l'âme pécheresse elle-même1. Or, vous ne comprenez pas que cette prophétie n'est que la promesse du Nouveau Testament et de cet héritage spirituel qui se réalisera dans le siècle futur. N'est-ce point la grâce du Rédempteur qui a effacé la cédule de la condamnation paternelle2, de telle sorte que chacun n'aura plus à rendre compte que de soi-même? D'un autre côté, comment énumérer tous les passages des saintes Ecritures qui nous prouvent que les enfants sont réellement solidaires des fautes de leurs parents? Ici c'est Cham qui pèche, et la sentence vengeresse est prononcée contre son fils Chanaan3. Là le fils de Salomon voit son royaume partagé en punition de la faute de son père4.
Plus loin les crimes d'Achab, roi d'Israël, retombent en flots vengeurs sur toute sa postérité5. Et puis, n'est-ce pas dans les saints Livres que nous lisons : « Dieu refoule les péchés des pères dans le sein de leurs enfants6 » ; et: « Dieu fait retomber les péchés des parents sur leur, enfants jusqu'à la troisième et la quatrième génération7? » Ce dernier nombre peut même s'interpréter dans un sens indéfini. Sont-ce là de vaines menaces? L'affirmer, ne serait-ce pas se poser en ennemi déclaré des divins oracles? Ainsi donc la génération charnelle, même du peuple de Dieu, appartenant à l'ancien Testament qui engendre pour la servitude8, rend les enfants solidaires des péchés de leurs parents. Mais quant à la génération spirituelle, en changeant l'hérédité, elle a également . changé les menaces de châtiments et les promesses de récompenses. Cette heureuse transformation nous est souvent signalée par les Prophètes, et surtout par Jérémie: « Dans ces jours », dit-il, « on ne dira plus que les pères ont mangé le raisin amer et agacé les dents de leurs enfants; chacun mourra dans son propre péché, et quiconque mangera le raisin amer sentira ses dents frémir ». Peut-on ne pas voir dans ces paroles l'annonce prophétique du Nouveau Testament, d'abord enveloppé sous le voile du mystère, et enfin clairement révélé par Jésus-Christ? Enfin, pour ne point nous effrayer outre mesure des passages que j'ai cités et de beaucoup d'autres du même genre, qui rendent les enfants responsables des péchés de leurs parents, et qui, dictés par la vérité même, pourraient paraître en contradiction avec la prophétie.que je viens de rappeler, il suffit de voir dans les paroles suivantes du même prophète , comment il résout cette question si difficile et si grave en apparence : « Les jours viennent, dit le Seigneur, et je réaliserai pour la maison d'Israël et pour la maison de Juda le Testament nouveau, non pas selon le Testament que j'ai donné à leurs pères9 ». Dans ce Testament nouveau le décret de condamnation paternelle a été détruit et annulé par le sang du testateur; par conséquent l'homme appelé à renaître voit se briser sur sa tête la solidarité qu'il avait contractée en naissant, à l'égard des péchés paternels; le Médiateur n'a-t-il pas dit lui-même : « Sur la terre ne donnez à personne le nom de père10? » C'est ainsi qu'il nous est donné de participer à une nouvelle naissance, en vertu de laquelle nous n'avons plus à succéder à notre Père, ruais à vivre éternellement avec lui.
