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Dans son livre sur Isaac et sur l'âme, le même docteur formule ainsi sa pensée : « Tout bon écuyer dompte et assouplit les mauvais coursiers, tandis qu'il excite les bons. Ces bons coursiers sont au nombre de quatre : la prudence, la tempérance, la force et la justice ; les mauvais sont : la colère, la concupiscence, la crainte et l’iniquité1 ». Saint Ambroise dit-il que tout bon écuyer n'a que de bons chevaux, sans en avoir de mauvais? Non; il dit seulement qu'il excite les bons et dompte les mauvais. D'où viennent ces chevaux? Si nous en faisons des substances propres et individuelles, nous applaudissons ou nous adhérons à la folie des Manichéens; pour nous épargner cette honte, nous consultons la foi catholique, et nous voyons dans ces mauvais chevaux autant de vices qui, s'inspirant de la loi du péché, résistent à la loi de l'esprit. Ces vices aujourd'hui nous sont inhérents ; après la mort, il n'en sera pas de même, mais pendant cette vie, leur guérison n'est jamais parfaite. Pourquoi donc le baptême ne les a-t-il pas fait disparaître ? Vous n'avouez donc pas encore que leur caractère de culpabilité a disparu, mais que la faiblesse nous est restée ; et, en disant leur culpabilité, je ne veux pas dire qu'ils étaient coupables, mais je parle de ce qui, par eux, nous rendait coupables dans les oeuvres mauvaises auxquelles nous nous laissions aller sous leur inspiration. Je dis que leur faiblesse est restée, non pas en ce sens que je les compare à des animaux épuisés de forces, mais en ce sens que ces vices sont eux-mêmes notre propre faiblesse. Et dans ces chevaux mauvais, gardons-nous de croire que saint Ambroise ait voulu parler de cette iniquité qui est effacée dans le baptême; il ne parle que de l'iniquité des péchés que nous avons commis, lesquels nous sont tous pardonnés, et cessent d'exister par le baptême; or, si l'acte extérieur et transitoire n'avait duré que le temps seul de la perpétration du mal, la culpabilité n'avait pas cessé et demeurait inhérente à notre âme. Quant à cette loi du péché dont la coulpe, après une durée plus ou moins longue, a été effacée dans le baptême, saint Ambroise l'appelle du nom d'iniquité, parce que c'est une chose inique que la chair convoite contre l'esprit. Au contraire, la justice nous est conférée dans notre rénovation, parce qu'il est juste que l'esprit convoite contre la chair, afin que nous marchions selon l'esprit et que nous ne soyons plus les esclaves de la concupiscence de la chair. C'est cette justice qui nous est désignée sous la figure des bons coursiers.
Chap. VIII. ↩
