9.
Cette vie future et éternelle en Jésus Christ vous inspire de si vifs élans d'amour qu'il ne vous paraît pas que ce soit, pour l'image de Dieu, un châtiment réel, de rester éternellement exilée du royaume de Dieu. Supposé même que cet exil vous paraisse un châtiment léger, je dirais encore qu'une telle appréciation du plus grand de tous les malheurs suppose, non pas un amour sincère, mais un véritable mépris pour ce royaume de Dieu. Mais enfin, du moment que vous acceptez qu'il y a, pour une âme créée à l'image de Dieu, un léger châtiment à être chassée du royaume de Dieu, cette humble concession qui, pour vous, est un crime, suffit pourtant à la cause que je défends. Je vous en prie donc, ouvrez enfin vos yeux quels qu'ils soient, et dites-moi s'il peut vous paraître juste qu'un châtiment, même léger, soit infligé à un enfant en qui vous niez aveuglément l'existence du péché originel. Je passe sous silence les maux de toute sorte que les enfants ont à subir dans cette vie fugitive; je ne vous demande pas de m'expliquer ces paroles de l'Ecriture : «Un joug bien lourd pèse sur les enfants d'Adam depuis le jour où ils sortent du sein de leur mère jusqu'au jour de leur «sépulture dans les entrailles de la terre1 ». Sous un Dieu juste et tout-puissant, si le péché ne se transmettait pas des pères aux enfants, verrait-on ces maux fondre sur l'image de Dieu, quand surtout l'enfance est radicalement incapable d'y trouver une occasion et un moyen d'affermir et de développer sa vertu ? Remarquez, du reste, que je vous parle en ce moment, non pas de ces maux dont vous niez la présence dans les enfants, mais de ceux qui s'imposent aux yeux de tous dans leur. cruelle évidence ; et cependant vous n'en soufflez mot, vous n'en tenez aucun compte ; loin de là, vous donnez libre cours à votre loquacité, vous faites effort de génie et de langue, pour faire de la nature l'éloge le plus pompeux. Pourtant cette nature manifestement précipitée dans le gouffre profond de toutes les misères, sent elle-même bien vivement le besoin de Jésus-Christ comme Sauveur, libérateur, justificateur et rédempteur; que lui importent au contraire tous ses adulateurs, qu'ils s'appellent Julien, Célestius ou Pélage ? D'un autre côté, jamais vous n'auriez avoué que cette nature fût rachetée dans les enfants, si, dans le concile de Carthage, Célestius, écrasé par l'évidence de la vérité catholique, n'avait été lui-même réduit à en faire l'aveu. Du reste, veuillez me dire, je vous prie, de quoi et par qui cette nature est rachetée dans les enfants, si ce n'est pas du mal, et par celui qui a racheté Israël de toutes ses iniquités2 ? Qui dit rédemption, dit par là même un prix de rachat; quel est donc ce prix, si ce n'est le sang précieux de l'Agneau immaculé, Jésus-Christ3? Pourquoi ce sang a-t-il été répandu ? Ne le demandons qu'au Rédempteur lui-même, et voici qu'il nous répond aussitôt : «Ceci est mon sang qui sera répandu pour la rémission des péchés4 »: Ne vous lassez donc pas, continuez; et, après avoir dit : Dans le sacrement du Sauveur les enfants sont baptisés, mais non sauvés; rachetés par un libérateur, mais non délivrés; lavés dans le bain de la régénération, mais non purifiés; exorcisés et insufflés, mais non pas arrachés à la puissance des ténèbres; dites également : Le sang est répandu pour la rémission de leurs. péchés, mais ils ne sont justifiés par la rémission d'aucun péché. Ce que vous dites est vraiment étrange, vraiment nouveau, vraiment erroné; cette étrangeté nous inspire de l'effroi; ces nouveautés, nous les fuyons avec horreur ; ces erreurs, nous les réfutons hardiment.