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« Dieu », dit Pélage, « connaissait à l'avance ceux qui seraient saints et purs par le libre arbitre de leur volonté; voilà pourquoi, dans sa prescience infinie, il les a choisis avant la formation du monde, parce qu'il savait ce qu'ils seraient. Il les a choisis », continue-t-il, « avant qu'ils ne fussent, les prédestinant à devenir ses enfants, parce qu'il savait par avance qu'ils seraient saints et immaculés; ce n'est point lui qui les a rendus ou les rendra tels, mais il a prévu qu'ils le seraient». Etudions donc les paroles de l'Apôtre, et voyons si Dieu, dès avant la formation du monde, nous a choisis parce que nous devions être saints et justes, ou bien s'il nous a choisis afin que nous le devenions . « Béni soit Dieu », dit-il, « le Père de Notre-Seigneur Jésus-Christ, qui nous a comblés en Jésus-Christ de toutes sortes de bénédictions spirituelles pour le ciel, ainsi qu'il nous a élus en lui avant la création du monde, afin que nous fussions saints et irrépréhensibles ». « Afin que nous fussions », dit-il, et non pas parce que nous étions. Cette conclusion est de toute évidence; nous devions être saints et irrépréhensibles parce qu'il nous a choisis lui-même, nous prédestinant à devenir tels par l'efficacité de sa grâce. Voilà pourquoi « il nous a comblés en Jésus-Christ de toutes sortes de bénédictions spirituelles pour le ciel, comme il nous a élus en lui avant la création du monde, afin que nous fussions saints et irrépréhensibles, nous ayant prédestinés par un effet de sa bonne volonté, pour nous rendre ses enfants adoptifs en Jésus-Christ».
Maintenant voyez ce qui suit : « Il nous a prédestinés par un effet de sa bonne volonté », afin que nous ne fussions pas tentés d'attribuer à notre propre volonté ce grand bienfait de la grâce. C'est aussi dans cette même volonté et cette même grâce « qu'il nous a rendus agréables à ses yeux en son Fils bien-aimé ». C'est donc par sa grâce qu'il nous a rendus gracieux à ses yeux, comme c'est par sa justice qu'il nous a justifiés. Jésus-Christ, dit-il, « en qui nous trouvons la rédemption par son sang, et la rémission de nos péchés, selon les richesses de sa grâce, qu'il a répandue sur nous avec abondance, en nous remplissant d'intelligence et de sagesse pour nous faire connaître le mystère de sa volonté, fondé sur sa propre bienveillance ». C'est dans le mystère de sa volonté qu'il a déposé les richesses de sa grâce, selon sa bonne volonté, et non pas selon la nôtre, car la nôtre ne peut être bonne que quand elle est aidée à le devenir par la volonté même de Dieu. Or, c'est par cette bonne volonté qu'il avait résolu en lui », c'est-à-dire en son Fils bien-aimé, « que les temps qu'il avait ordonnés étant accomplis, il rétablirait tout en Jésus-Christ, tant ce qui est dans le ciel que ce qui est sur la terre. C'est aussi en lui que la vocation nous est échue comme par le sort, ayant été prédestinés par le décret de celui qui fait toutes choses selon le dessein et le conseil de sa volonté, afin que nous soyons pour lui un sujet de gloire et de louange ».