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Jul. Ainsi, cet orgueil qui voulait se livrer au repos et excuser son indolence sous un prétexte de nécessité, afin de pouvoir réclamer contre la doctrine de l'Evangile au sujet de l'admission des gentils; cet orgueil entend l'Apôtre déclarer que, quand même les choses seraient réellement comme tu les interprètes, tu devrais encore adresser des supplications à Dieu, et non pas exciter les hommes à la révolte ; par ces paroles il confond la perversité d'un homme qui, saisissant avidement une expression équivoque, s'efforçait d'attribuer à une nécessité imposée par Dieu, la diversité des mérites qui naît des dispositions de la volonté; et dont le but, en cela, était d'établir qu'il faut nécessairement, ou bien que les gentils soient exclus de la participation à l'objet des promesses divines ou bien, si Dieu peut les y admettre, que les devoirs de la volonté libre soient considérés comme des chimères. Mais cela ne suffisait pas encore au dessein de l'Apôtre; un tel maître, après avoir rendu à la majesté suprême les hommages qu'elle mérite, ne pouvait pas laisser la justice divine exposée aux attaques dont elle était l'objet : c'est pourquoi il ajoute avec beaucoup de raison, que les vases employés à un usage ignominieux et ceux qui sont employés à un usage honorable ont reçu l'une ou l'autre de ces destination comme récompense de leur volonté personnelle. « Si Dieu, voulant manifester sa colère et signaler sa puissance, a supporté avec une patience extrême les vases de colère dont la perte était assurée sans retour; afin de faire éclater », dit-il, « les richesses de gloire sur les vases de miséricorde qu'il a préparés pour la gloire, c'est-à-dire sur nous qu'il a, de plus, appelés non-seulement d'entre les Juifs, mais aussi d'entre les gentils[^1] ». Certes, il tranche ici la question que le débat précédent avait laissée indécise, savoir que la colère de Dieu frappe uniquement les vases dont la perte, est consommée sans retour; mais que la gloire est donnée à ceux qui ont été préparés à la recevoir. Les paroles du même Apôtre nous apprennent en un autre endroit par qui ces sortes de vases sont préparés pour recevoir ce que nous avons dit : « Dans une grande maison », dit-il, « il n'y a pas seulement des vases d'or et d'argent, mais il y en a aussi de bois et d'argile ; les uns sont des vases d'honneur, les autres sont des vases d'ignominie. Si donc quelqu'un se tient pur de ces choses, il sera un vase d'honneur sanctifié, utile au Seigneur, préparé pour toute sorte de bonnes oeuvres[^2] » .
Aug. Donc les vases se préparent eux-mêmes, de telle sorte que saint Paul a parlé en vain, quand il a dit: « Les vases que Dieu a préparés pour la gloire ? » Voilà en effet ce que tu dis très-clairement ; tu ne comprends pas que l'Apôtre a dit : « Si quelqu'un se tient pur....» uniquement afin de montrer que cette oeuvre est accomplie aussi par la volonté humaine; mais, ô homme ingrat, « la volonté est préparée par le Seigneur[^3] » ; ainsi l'une et l'autre propositions sont vraies ; en même temps Dieu prépare les vases pour la gloire, et ces vases se préparent eux-mêmes. Pour que l'homme accomplisse une chose, Dieu accomplit cette même chose; pour que la charité s'allume dans le coeur de l'homme, Dieu aime d'abord cet homme. Lis le prophète Ezéchiel dont j'ai cité plus haut un passage qui m'a paru suffisant[^4] ; tu y trouveras encore les paroles suivantes : C'est Dieu qui fait accomplir ses préceptes par les hommes dont il a pitié, non pas à cause de leurs mérites personnels (car le Prophète rappelle ici même qu'ils n'ont mérité que des châtiments), mais à cause de son propre nom; et Dieu leur faisant ainsi, sans aucun mérite de leur part, accomplir ses préceptes, ils commencent de cette manière à mériter la récompense due aux bonnes oeuvres. Tels sont les caractères de cette grâce niée par vous : elle n'est point le prix des oeuvres accomplies, elle est au contraire la cause de leur accomplissement.
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Rom. IX, 22-24.
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II Tim. II, 20, 21.
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Prov. VIII, suiv. les Sept.
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Ci-dessus, ch. CXXXIII.