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Jul. Or, non-seulement l'Apôtre n'a point enseigné que la puissance de la grâce est inférieure à la puissance du péché, mais il a déclaré que la première est supérieure à la seconde, quand il a dit que le nombre de ceux qui ont participé aux fruits abondants de la grâce est supérieur au nombre de ceux qui ont éprouvé les funestes effets du péché; d'autre part, suivant la doctrine des partisans de la transmission, il est certain que le péché a été beaucoup plus nuisible que la grâce n'a été utile; il est donc prouvé, d'une manière tout à fait irréfutable, que l'apôtre saint Paul n'a pas dit un seul mot de la transmission du péché, et que, de plus , son enseignement confond également les partisans de cette doctrine et les Manichéens leurs maîtres.
Aug. L'apôtre saint Paul n'a point dit : « Le nombre de ceux qui ont participé aux fruits abondants de la grâce est supérieur au nombre de ceux qui ont éprouvé les funestes effets du péché » ; il n'a point parlé ainsi ; tu te trompes complètement, si toi-même tu ne cherches pas à tromper les autres. Il a dit que la grâce s'est répandue sur un grand nombre d'une manière beaucoup plus abondante; il n'a point dit qu'elle s'est répandue sur un plus grand nombre, mais qu'elle a été plus abondante. Car, en comparaison de ceux qui se perdent, le nombre de ceux qui parviennent au salut est petit ; mais, cette comparaison écartée , ce même nombre est considérable en lui-même. Pourquoi cependant les uns sont-ils plus nombreux que les autres? C'est un dessein de Dieu dont beaucoup d'hommes voudraient pénétrer le secret; mais en réalité ce secret n'est dévoilé qu'à un très-petit nombre, ou même à aucun d'entre eux absolument. Le Tout-Puissant pourrait ne pas créer ceux que, dans sa prescience absolue, il ne peut ignorer devoir être mauvais ; mais, étant lui-même infiniment bon, il sait qu'il pourra faire un usage excellent de la perversité même du plus grand nombre; c'est pourquoi l'Apôtre nous enseigne à ce sujet que Dieu a voulu par là manifester sa colère et sa puissance dans ceux qu'il a laissés, avec une extrême patience, devenir des vases de colère, et qu'il a voulu en même temps faire connaître les richesses de sa gloire sur les vases de miséricorde[^3]. Mais les Pélagiens refusent de croire que, dans un seul homme, la masse tout entière a été corrompue et tout entière condamnée, corruption et condamnation dont la grâce seule nous guérit et nous délivre. Pour. quoi, en effet, le juste est-il à peine sauvé[^1]? Est-ce que la délivrance du juste est une oeuvre difficile à Dieu ? Non, assurément; mais afin qu'il soit manifeste que la nature humaine a mérité d'être condamnée, celui-là même qui est tout-puissant ne veut pas la délivrer facilement d'un état si déplorable; c'est pourquoi, ceux en qui ne brûle pas le feu de l'amour divin sont entraînés par un penchant violent à commettre le péché et rencontrent de grandes difficultés dans la pratique de la justice; mais la charité qui allume dans les autres les flammes de cet amour vient de Dieu[^2].
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Rom. IX, 22, 23.
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I Pierre, IV, 18.
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I Jean, IV, 7.