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Œuvres Augustin d'Hippone (354-430) Contra secundam Iuliani responsionem imperfectum Contre la seconde réponse de Julien
LIVRE QUATRIÈME. LE QUATRIÈME LIVRE DE JULIEN.

44.

Jul. Il est temps sans doute de passer à un autre sujet : cependant, puisqu'il est certain aussi que tu n'as aucun argument à faire valoir avec quelques chances de succès auprès des âmes ignorantes, si ce n'est celui que tu tires du sentiment de la pudeur naturelle, je m'y arrêterai encore un instant pour en faire justice aussi complètement qu'il me sera possible. Qui oserait nier que ce sentiment de l'honnêteté auquel nous obéissons quand nous couvrons nos organes charnels, varie suivant les personnes, suivant les lieux, suivant les positions sociales et suivant les mœurs de chaque peuple? Dans les assemblées publiques la nudité serait ignoble et tout à fait révoltante; dans les bains au contraire elle n'a rien d'inconvenant. Dans une chambre à coucher, on se permet un vêtement plus que simple et négligé ; sur la place publique, au contraire, on porte un vêtement aussi recherché et aussi riche que possible. Mais il y a plus encore : pourquoi néglige-t-on le soin de son extérieur en présence des personnes avec qui l'on vit dans une familiarité intime, tandis qu'on s'empresse d'autant plus à se parer que la personne devant qui on doit se présenter, est moins connue ou plus honorable ? pourquoi ne s'avise-t-on jamais de faire aux hommes de mer ou à la plupart des artisans, un crime de leur nudité? Et qu'on ne dise pas que cette simplicité de mœurs témoigne seulement de la simplicité des personnes chez qui on les observe , mais qu'elle ne préjudicie en rien aux vrais principes; car l'apôtre saint Pierre, même après la résurrection du Seigneur, se livrait sur une barque aux exercices de la pêche dans un état de nudité semblable à celle de- tous les autres pêcheurs[^1]. Considère maintenant les opérations que font les médecins : en vertu des principes de leur art et pour procurer la guérison de leurs clients, ils sont parfois obligés d'appliquer des remèdes sur les organes honteux. Les athlètes s'honorent même de leur nudité. Dans certaines contrées, on voit, non-seulement les adolescents et ceux en qui les passions de l'adolescence ne sont pas encore éteintes , mais la nation tout entière dans un état de nudité absolue, et chez ces peuples on ne recherche ni le secret ni l'obscurité pour accomplir l'œuvre charnelle. Doit-on s'étonner cependant de voir de pareilles moeurs en vigueur dans le pays des Scots et des barbares voisins des Scots ; puisque les philosophes dont nous parlions tout à l'heure ont tracé des règles de conduite dans le même sens, et que ces mœurs doivent être une conséquence logique des principes posés par les partisans de la transmission du péché? D'après quelle règle donc pourra-t-on mesurer le degré de honte qui s'attache à une chose, et comment pourra-t-on déterminer la limite précise où il faudra commencer à rougir? l'honnêteté étant une chose aussi variable, la nécessité justifiant dans telle circonstance ce qui serait, dans telle autre circonstance, une première atteinte portée à l'intégrité des moeurs et une offense contre la société, qui pourra dire à quel degré d'intensité les flammes de la convoitise naturelle commencent à être l’oeuvre du démon? Ainsi, le principe sur lequel repose ta doctrine se trouve démenti de la manière la plus éclatante par ce fait seul que le sentiment de l'honnêteté varie suivant la diversité des devoirs, suivant la diversité des lieux, des moeurs, des professions, enfin suivant la diversité des caractères propres à chaque peuple; et, d'autre part, il demeure établi d'une manière non moins incontestable, que nous-mêmes nous nous appuyons sur le témoignage de la raison et sur le témoignage de l'apôtre saint Paul, quand nous enseignons que Dieu, auteur de toutes choses, a créé tous les corps, tous les membres et tous les sens des corps ; mais que, par suite d'une loi dont ce même Dieu est l'auteur, la pudeur nous oblige à couvrir,. dans les moments où les bienséances sociales l'exigent, quelques-uns de nos organes, tandis que les convenances naturelles nous font un devoir de montrer à découvert certaines autres parties de notre corps, et qu'il serait tout aussi inconvenant de voiler celles-ci que d'exposer ceux-là à tous les regards.

Aug. C'est toi-même qui violes les règles de la bienséance, quand tu accuses d'une faute contre cette vertu, ceux dont il est dit dans les divines Ecritures: « Ils étaient nus et ils ne rougissaient point[^3] ».Et certes, ils étaient alors dans le même état de droiture où ils avaient été créés ; car nous lisons que « Dieu créa l'homme droit et juste[^2] ». Or, s'ils se trouvaient alors dans un état de droiture parfaite, comment pouvaient-ils être assez pervers pour transgresser, en exposant ce qu'ils auraient dû couvrir d'un voile impénétrable, les règles de la sagesse la plus vulgaire, les lois mêmes de la pudeur, de l'honnêteté et de la bienséance? Reconnais donc qu'il n'y avait encore pour eux aucune raison de rougir, parce qu'il n'y,avait encore rien de honteux dans les organes que nous désignons maintenant sous le nom propre d'organes honteux. Leurs membres, en effet, n'étaient pas assujettis à cette loi qui combat contre la loi de l'esprit, et dont aucun homme n'est exempt aujourd'hui au moment de sa naissance. L'homme n'ayant pas encore abandonné Dieu, Dieu n'avait pas encore abandonné l'homme; et la désobéissance de sa chair n'avait pas encore été infligée à celui-ci comme un juste châtiment de sa propre désobéissance. Car on peut bien qualifier du nom de désobéissance la convoitise de la chair contre l'esprit, alors même que, par suite. de la volonté opposée de l'esprit, la chair se trouve dans l'impuissance d'accomplir ce qu'elle désire. Tout cela n'existait donc pas encore, alors que nos premiers parents étaient nus et qu'ils ne rougissaient point. Par là même, ils pouvaient s'abstenir de voiler leurs organes naturels sans blesser aucunement les convenances, et sans que leur état fût un état de nudité dans le sens odieux que nous attachons aujourd'hui à ce mot: car ils n'avaient encore ressenti dans leur chair aucun mouvement inconvenant. Pour. quoi faire ainsi un amas de paroles vaines, semblables à autant de feuilles légères à l'aide desquelles tu prétends couvrir, toi aussi, tes résistances opiniâtres et charnelles à l'autorité spirituelle de la foi, comme ils couvrirent leur chair dès qu'ils sentirent naître en elle des désirs contraires aux désirs de l'esprit? Pourquoi demander d'après quelle règle on pourra mesurer le degré de honte qui s'attache à une chose, et comment on pourra déterminer la limite précise où il faudra commencer à rougir, la pudeur étant un sentiment qui varie suivant lès différents besoins où l'homme peut se trouver, suivant la profession qu'il exerce, suivant la croyance, suivant les usages bons ou mauvais des peuples au milieu desquels il vit? Voici des hommes qui n'appartiennent point à une nation particulière, comme les Scots, mais qui sont les .auteurs mêmes de toutes les nations; ils n'ont point été pervertis par une mauvaise doctrine, comme les cyniques et comme tous ceux qui se sont avilis et dégradés jusqu'à étouffer en eux tout sentiment de respect pour eux-mêmes et pour les autres; mais ils viennent d'être créés par Dieu droits et justes; ils ne sont pas astreints à un travail plus ou moins nécessaire pour subvenir à leurs besoins personnels, comme l'était cet Apôtre dont tu as espéré que la nudité pourrait te couvrir toi-même, mais ils jouissent d'une liberté parfaite dans un paradis de délices: considère-les, ces hommes, et vois comment avant leur péché ils se glorifiaient de leur liberté, tandis que depuis leur péché ils nous apprennent par leur exemple à rougir. Avant leur péché ils étaient nus; et ils ne rougissaient point : depuis qu'ils sont devenus coupables, leur nudité est pour eux un objet de confusion. Avant leur péché ils ne voilaient point leurs organes naturels qui n'étaient pas encore des organes honteux: depuis leur péché, ces organes sont devenus des organes honteux, et ils se sont empressés de les couvrir. Ainsi, par le fait seul que primitivement ils ne rougissaient point de leur nudité, et que cette nudité est devenue ensuite pour eux un sujet de honte, ces témoins suffisamment irrécusables confondent à la fois l'opiniâtreté des Pélagiens et l'impudence de certains peuples aussi bien que celle des cyniques.

  1. Jean, XXI, 7.

  2. Gen. II, 25.

  3. Eccl. VII, 30.

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Contre la seconde réponse de Julien

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