63.
Jul. Tu dis que le péché est coin tracté par suite de l'état présent de la nature, toi qui prétends que ce mal est arrivé par la volonté du premier homme. Je diffère une réponse qui te convaincra d'être un impudent menteur. Mais, sans sortir des limites de la question présente, je conclus, et en cela je crois à un raisonnement de la sagesse, je conclus que tu donnes ici et en termes tout à fait explicites, une définition de la nature du démon. En effet, si cette nature dont tu parles est la cause directe ou indirecte de la possession de l'homme par le démon, il est absolument incontestable qu'elle appartient au démon, puisque c'est par elle que celui-ci a pu faire de l'image de Dieu sa propriété. Ou plutôt l'homme n'est pas même l'image de Dieu; car, par le fait seul de sa naissance, il appartient au royaume du démon.
Aug. Tu crois, mais aux conjectures de la folie, non pas aux raisonnements de la sagesse. Laisse les enfants échapper à la puissance des ténèbres pour être transférés dans le royaume du Christ. Car, en disant qu'ils n'ont pas contracté la souillure du péché ancien, et en éloignant ainsi d'eux la miséricorde du Sauveur qui sauve son peuple des péchés dont il est coupable, et qui a reçu pour cette raison le nom de Jésus[^1] ; tu n'as qu'un seul but, c'est de les voir continuer à porter le poids de la colère divine, de cette colère dont Job a fait la peinture en ces termes : « L'homme né de la femme vit peu de temps, et après avoir été sous le poids d'une vengeance continuelle, il tombe comme la fleur des champs, il passe comme une ombre et ne demeure pas ; ne prenez-vous « pas soin de lui cependant, et ne le faites-vous point paraître en votre présence pour a être jugé ? Qui, en effet, est exempt de souillures? Il n'y en a pas un seul, quand même ail n'aurait vécu qu'un seul jour sur la terre[^2] ». Mais, ô homme rempli de miséricorde, c'est peut-être par un sentiment de piété pour l'image de Dieu, que tu refuses de dire que sa naissance charnelle s'accomplit dans l'état du péché. Oh ! combien cette fausse piété est cruelle, puisqu'elle est pour toi un moyen de priver les enfants de la miséricorde de leur Sauveur, lequel est venu chercher ce qui avait péri[^3] ! Ce n'est donc point dans la nature créée par Dieu, ruais bien dans les souillures dont cet homme de Dieu dit que personne n'est exempt, quand même il n'aurait vécu qu'un seul jour sur la terre; c'est dans ces souillures, dis-je, qu'il faut chercher la raison de la possession par le démon de l'image de Dieu. Car, la nature humaine a été dépravée, elle n'est point le vice même. Mais, dis-tu, « l'homme n'est pas même l'image de Dieu, puisque par le fait seul de sa naissance, il appartient au royaume du démon ». Or, si quelqu'un te disait : L'homme n'est pas l'image de Dieu, puisque, sans être coupable d'aucun péché, il n'entre pas cependant dans le royaume de Dieu, est-ce qu'il ne te serait pas absolument impossible de lui répondre d'une manière sérieuse? Et certes, l'homme est l'image de Dieu par la raison qu'il a été formé à la ressemblance de Dieu. Comment donc est-il aussi semblable à la vanité, et pourquoi ses jours passent-ils comme l'ombre[^4]? Tu ne diras pas en effet que cette vanité n'est pas le partage des enfants, puisque leurs jours passent comme l'ombre. Enfin, pourras-tu dire qu'ils rie sont pas du nombre des vivants ? Ecoute plutôt celui qui dit dans un psaume : « Voici que vous m'avez conduit à la vieillesse, et ma substance est comme un néant devant vous; mais tout homme vivant n'est que vanité[^5] ». Si donc tout homme vivant est l'image. de Dieu, dis-nous pourquoi tout homme vivant est aussi vanité. Mais que pour. rais-tu répondre, puisque tu ne veux pas reconnaître que l'homme a été placé par Dieu dans la première de ces deux conditions, et qu'il a été réduit à la seconde par un effet du péché? De grâce, laissez-nous arracher à la puissance des ténèbres, sous laquelle ils sont devenus semblables à la vanité, les hommes vivants qui ont été formés à la ressemblance de Dieu ; laissez-nous les arracher présentement aux liens de leur culpabilité, afin qu'après cette vie corruptible ils soient pareillement affranchis de toute vanité.
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Matt. I, 21.
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Job, XIV, 1-4, suiv. les Sept.
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Luc, XIX, 10.
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Ps. CXLIII, 4.
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Id. XXXVIII, 6.